Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/24

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et le végétal se développent et prennent leur accroissement sans changer de forme.

On a cherché à reconnaître et distinguer les minéraux par le résultat de l’agrégation ou cristallisation de leurs particules ; toutes les fois qu’on dissout une matière, soit par l’eau, soit par le feu, et qu’on la réduit à l’homogénéité, elle ne manque pas de se cristalliser, pourvu qu’on tienne cette matière dissoute assez longtemps en repos pour que les particules similaires et déjà figurées puissent exercer leur force d’affinité, s’attirer réciproquement, se joindre et se réunir. Notre art peut imiter ici la nature dans tous les cas où il ne faut pas trop de temps, comme pour la cristallisation des sels, des métaux et de quelques autres minéraux ; mais quoique la substance du temps ne soit pas matérielle, néanmoins le temps entre comme élément général, comme ingrédient réel et plus nécessaire qu’aucun autre dans toutes les compositions de la matière : or, la dose de ce grand élément ne nous est point connue ; il faut peut-être des siècles pour opérer la cristallisation d’un diamant, tandis qu’il ne faut que quelques minutes pour cristalliser un sel ; on peut même croire que, toutes choses égales d’ailleurs, la différence de la dureté des corps provient du plus ou moins de temps que leurs parties sont à se réunir : car comme la force d’affinité, qui est la même que celle de l’attraction, agit à tout instant et ne cesse pas d’agir, elle doit avec plus de temps produire plus d’effet ; or, la plupart des productions de la nature, dans le règne minéral, exigent beaucoup plus de temps que nous ne pouvons en donner aux compositions artificielles par lesquelles nous cherchons à l’imiter. Ce n’est donc pas la faute de l’homme ; son art est borné par une limite qui est elle-même sans bornes ; et quand, par ses lumières, il pourrait reconnaître tous les éléments que la nature emploie, quand il les aurait à sa disposition, il lui manquerait encore la puissance de disposer du temps et de faire entrer des siècles dans l’ordre de ses combinaisons.

Ainsi les matières qui paraissent être les plus parfaites sont celles qui, étant composées de parties homogènes, ont pris le plus de temps pour se consolider, se durcir et augmenter de volume et de solidité autant qu’il est possible : toutes ces matières minérales sont figurées ; les éléments organiques tracent le plan figuré de leurs parties constituantes jusque dans les plus petits atomes et laissent faire le reste au temps, qui, toujours aidé de la force attractive, a d’abord séparé les particules hétérogènes pour réunir ensuite celles qui sont similaires par de simples agrégations toutes dirigées par leurs affinités. Les autres minéraux qui ne sont pas figurés ne présentent qu’une matière brute qui ne porte aucun trait d’organisation ; et comme la nature va toujours par degrés et nuances, il se trouve des minéraux mi-partis d’organique et de brut, lesquels offrent des figures irrégulières, des formes extraordinaires, des mélanges plus ou moins assortis, et quelquefois