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de la chaleur produisent les molécules organiques, et donnent le mouvement à la matière brute en la déterminant à telle ou telle forme, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur, lorsqu’elle est travaillée dans les trois dimensions, et c’est de cette manière que se sont formés les germes des végétaux et des animaux ; mais dans les minéraux chaque petite lame infiniment mince, n’étant travaillée que dans deux dimensions par un plus ou moins grand nombre d’éléments organiques, elle ne peut recevoir qu’autour de sa surface une figuration plus ou moins régulière, et l’on ne peut nier que cette figuration ne soit un premier trait d’organisation ; c’est aussi le seul qui se trouve dans les minéraux : or, cette figure une fois donnée à chaque lame mince, à chaque atome du minéral, tous ceux qui l’ont reçue se réunissent par la force de leur affinité respective, laquelle, comme je l’ai dit[1], dépend ici plus de la figure que de la masse ; et bientôt ces atomes en petites lames minces, tous figurés de même, composent un volume sensible et de même figure ; les prismes du cristal, les rhombes des spaths calcaires, les cubes du sel marin, les aiguilles du nitre, etc., et toutes les figures anguleuses, régulières ou irrégulières des minéraux, sont tracées par le mouvement des molécules organiques, et particulièrement par les molécules qui proviennent du résidu des animaux et végétaux dans les matières calcaires, et dans celles de la couche universelle de terre végétale qui couvre la superficie du globe ; c’est donc à ces matières mêlées d’organique et de brut que l’on doit rapporter l’origine primitive des minéraux figurés.

Ainsi toute décomposition, tout détriment de matière animale ou végétale, sert non seulement à la nutrition, au développement et à la reproduction des êtres organisés, mais cette même matière active opère encore comme cause efficiente la figuration des minéraux : elle seule par son activité différemment dirigée, suivant les résistances de la matière inerte, peut donner la figure aux parties constituantes de chaque minéral, et il ne faut qu’un très petit nombre de molécules organiques pour imprimer cette trace superficielle d’organisation dans le minéral, dont elles ne peuvent travailler l’intérieur ; et c’est par cette raison que ces corps étant toujours bruts dans leur substance, ils ne peuvent croître par la nutrition comme les êtres organisés, dont l’intérieur est actif dans tous les points de la masse, et qu’ils n’ont que la faculté d’augmenter de volume par une simple agrégation superficielle de leurs parties.

Quoique cette théorie sur la figuration des minéraux soit plus simple d’un degré que celle de l’organisation des animaux et des végétaux, puisque la nature ne travaille ici que dans deux dimensions au lieu de trois ; et quoique cette idée ne soit qu’une extension ou même une conséquence de mes vues sur la nutrition, le développement et la reproduction des êtres, je

  1. Voyez l’article de cette Histoire naturelle, qui a pour titre : de la Nature, seconde vue.