Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 3.pdf/192

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pluies, sans la laisser trop promptement cribler, et qui néanmoins ne la retient pas assez pour qu’elle y croupisse. Mais c’est au grand art de l’agriculture que l’histoire naturelle doit renvoyer l’examen particulier des propriétés et qualités des différentes terres soumises à la culture : l’expérience du laboureur donnera souvent des résultats que la vue du naturaliste n’aura pas aperçus.

Dans les pays habités, et surtout dans ceux où la population est nombreuse et où presque toutes les terres sont en culture, la quantité de terre végétale diminue de siècle en siècle, non seulement parce que les engrais qu’on fournit à la terre ne peuvent équivaloir à la quantité des productions qu’on en tire, et qu’ordinairement le fermier avide ou le propriétaire passager, plus pressés de jouir que de conserver, effruitent, affament leurs terres en les faisant porter au delà de leurs forces, mais encore parce que cette culture donnant d’autant plus de produit que la terre est plus travaillée, plus divisée, elle fait qu’en même temps la terre est plus aisément entraînée par les eaux : ses parties les plus fines et les plus substantielles, dissoutes ou délayées, descendent par les ruisseaux dans les rivières, et des rivières à la mer ; chaque orage en été, chaque grande pluie d’hiver, charge toutes les eaux courantes d’un limon jaune, dont la quantité est trop considérable pour que toutes les forces et tous les soins de l’homme puissent jamais en réparer la perte par de nouveaux amendements : cette déperdition est si grande et se renouvelle si souvent qu’on ne peut même s’empêcher d’être étonné que la stérilité n’arrive pas plus tôt, surtout dans les terrains qui sont en pente sur les coteaux. Les terres qui les couvraient étaient autrefois grasses, et sont déjà devenues maigres à force de culture ; elles le deviendront toujours de plus en plus, jusqu’à ce qu’étant abandonnées à cause de leur stérilité, elles puissent reprendre, sous la forme de friche, les poussières de l’air et des eaux, le limon des rosées et pluies, et les autres secours de la nature bienfaisante, qui toujours travaille à rétablir ce que l’homme ne cesse de détruire.






FIN DU TOME DEUXIÈME.