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grains, après avoir été broyée et détrempée dans l’eau, semble reprendre les caractères de ces mêmes terres au point de ne pouvoir distinguer la poudre du minerai de celle de la terre limoneuse. Le fer, décomposé et réduit en rouille, paraît reprendre aussi la forme et les qualités de sa terre matrice. Ainsi la terre ferrugineuse et la terre limoneuse ne diffèrent que par la plus ou moins grande quantité de fer qu’elles contiennent, et la mine de fer en grains n’est qu’une sécrétion qui se fait dans cette même terre d’autant plus abondamment qu’elle contient une plus grande quantité de fer décomposé : on sait que chaque pierre et chaque terre ont leurs stalactites particulières et différentes entre elles, et que ces stalactites conservent toujours les caractères propres des matières qui les ont produites ; la mine de fer en grains est dans ce sens une vraie stalactite de la terre limoneuse ; ce n’est d’abord qu’une concrétion terreuse qui peu à peu prend de la dureté par la seule force de l’affinité de ses parties constituantes, et qui n’a encore aucune des propriétés essentielles du fer.

Mais comment cette matière minérale peut-elle se séparer de la masse de terre limoneuse pour se former si régulièrement en grains aussi petits, en aussi grande quantité, et d’une manière si achevée qu’il n’y en a pas un seul qui ne présente à sa surface le brillant métallique ? Je crois pouvoir satisfaire à cette question par les simples faits que m’a fournis l’observation. L’eau pluviale s’infiltre dans la terre végétale et crible d’abord avec facilité à travers les premières couches, qui ne sont encore que la poussière aride des parties de végétaux à demi décomposés ; trouvant ensuite des couches plus denses, l’eau les pénètre aussi, mais avec plus de lenteur, et lorsqu’elle est parvenue au banc de pierre qui sert de base à ces couches terreuses, elle devient nécessairement stagnante, et ne peut plus s’écouler qu’avec beaucoup de temps ; elle produit alors, par son séjour dans ces terres grasses, une sorte d’effervescence ; l’air qui y était contenu s’en dégage et forme dans toute l’étendue de la couche une infinité de bulles qui soulèvent et pressent la terre en tous sens, et y produisent un égal nombre de petites cavités dans lesquelles la mine de fer vient se mouler. Ceci n’est point une supposition précaire, mais un fait qu’on peut démontrer par une expérience très aisée à répéter : en mettant dans un vase transparent une quantité de terre limoneuse bien détrempée avec de l’eau et la laissant exposée à l’air dans un temps chaud, on verra quelques jours après cette terre en effervescence se boursoufler et produire des bulles d’air, tant à sa partie supérieure que contre les parois du verre qui la contient ; on verra le nombre de ces bulles s’augmenter de jour en jour, au point que la masse entière de la terre paraît en être criblée. Et c’est là précisément ce qui doit arriver dans les couches des terres limoneuses ; car elles sont alternativement humectées par les eaux pluviales et desséchées selon les saisons. L’eau, chargée des molécules ferrugineuses, s’insinue par stillation dans toutes ces petites cavités, et en s’écoulant elle y dépose la matière ferrugineuse dont elle s’était chargée en parcourant les couches supérieures, et elle en remplit ainsi toutes les petites cavités, dont les parois lisses et polies donnent à chaque grain le brillant ou le luisant que présente leur surface.

Si l’on divise ces grains de mine de fer en deux portions de sphère, on reconnaîtra qu’ils sont tous composés de plusieurs petites couches concentriques, et que dans les plus gros il y a souvent une cavité sensible, ordinairement remplie de la même substance ferrugineuse, mais qui n’a pas encore acquis sa solidité, et qui s’écrase aisément comme les grains de mine eux-mêmes, qui commencent à se former dans les premières couches de la terre limoneuse : ainsi dans chaque grain la couche la plus extérieure qui a le brillant métallique est la plus solide de toutes et la plus métallisée, parce qu’ayant été formée la première, elle a reçu par infiltration et retenu les molécules ferrugineuses les plus pures, et a laissé passer celles qui l’étaient moins pour former la seconde couche du grain, et il en est de même de la troisième et de la quatrième couche, jusqu’au centre qui ne contient que la matière la plus terreuse et la moins métallique. Les œtites ou géodes