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s’accumulent et forment souvent des lits qu’on peut regarder comme les mines du vitriol ferrugineux.

Mais lorsque les couches de terre végétale se trouvent posées sur des bancs de pierres solides et dures, les stillations des eaux pluviales chargées des molécules de cette terre, étant alors retenues et ne pouvant descendre en ligne droite, serpentent entre les joints et les délits de la pierre, et y déposent cette matière limoneuse ; et comme l’eau s’insinue avec le temps dans les matières pierreuses, les parties les plus fines du limon pénètrent avec elle dans tous les pores de la pierre et la colorent souvent de jaune ou de roux ; d’autres fois l’eau chargée de limon ne produit dans la pierre que des veines ou des taches.

D’après ces observations, je demeurai persuadé que cette terre limoneuse, produite par l’entière décomposition des animaux et des végétaux, est la première matrice des mines de fer en grains, et qu’elle fournit aussi la plus grande partie des éléments nécessaires à la formation des pyrites. Les derniers résidus du détriment ultérieur des êtres organisés prennent donc la forme de bol, de fer en grains et de pyrite ; mais lorsqu’au contraire les substances végétales n’ont subi qu’une légère décomposition, et qu’au lieu de se convertir en terreau et ensuite en limon à la surface de la terre, elles se sont accumulées sous les eaux, elles ont alors conservé très longtemps leur essence, et, s’étant ensuite bituminisées par le mélange de leurs huiles avec l’acide, elles ont formé les tourbes et les charbons de terre.

Il y a en effet une très grande différence dans la manière dont s’opère la décomposition des végétaux à l’air ou dans l’eau : tous ceux qui périssent et sont gisants à la surface de la terre, étant alternativement humectés et desséchés, fermentent et perdent par une prompte effervescence la plus grande partie de leurs principes inflammables ; la pourriture succède à cette effervescence, et, suivant les degrés de la putréfaction, le végétal se désorganise, se dénature, et cesse d’être combustible dès qu’il est entièrement pourri : aussi le terreau et le limon, quoique provenant des végétaux, ne peuvent pas être mis au nombre des matières vraiment combustibles ; ils se consument ou se fondent au feu plutôt qu’ils ne brûlent ; la plus grande partie de leurs principes inflammables s’étant dissipée par la fermentation, il ne leur reste que la terre, le fer et les autres parties fixes qui étaient entrées dans la composition du végétal.

Mais lorsque les végétaux, au lieu de pourrir sur la terre, tombent au fond des eaux ou y sont entraînés, comme cela arrive dans les marais et sur le fond des mers, où les fleuves amènent et déposent des arbres par milliers, alors toute cette substance végétale conserve pour ainsi dire à jamais sa première essence : au lieu de perdre ses principes combustibles par une prompte et forte effervescence, elle ne subit qu’une fermentation lente, et dont l’effet se borne à la conversion de son huile en bitume ; elle prend donc sous l’eau la forme de tourbe ou de charbon de terre, tandis qu’à l’air elle n’aurait formé que du terreau et du limon.

La quantité de fer contenue dans la terre limoneuse est quelquefois si considérable qu’on pourrait lui donner le nom de terre ferrugineuse, et même la regarder comme une mine métallique ; mais quoique cette terre limoneuse produise ou plutôt régénère par sécrétion le fer en grains, et que l’origine primordiale de toutes les mines de cette espèce appartienne à cette terre limoneuse, néanmoins les minières de fer en grains dont nous tirons le fer aujourd’hui ont presque toutes été transportées et amenées par alluvion, après avoir été lavées par les eaux de la mer, c’est-à-dire séparées de la terre limoneuse où elles s’étaient anciennement formées.

La matière ferrugineuse, soit en grains, soit en rouille, se trouve presque à la superficie de la terre en lits ou couches peu épaisses ; il semble donc que ces mines de fer devraient être épuisées, dans toutes les contrées habitées, par l’extraction continuelle qu’on