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de tuffeau ou de pierres calcaires en débris et aussi de pyrites, de grès et de pierre meulière : une colline à plâtre n’est donc qu’un gros tas de décombres amenés par les eaux dans un ordre assez confus, et dans lequel les lits de poussière calcaire qui ont reçu les acides des lits supérieurs sont les seuls qui se soient convertis en plâtre. Cette formation récente se démontre encore par les ossements d’animaux terrestres[1] qu’on trouve dans ces couches de plâtre, tandis qu’on n’y a jamais trouvé de coquilles marines. Enfin elle se démontre évidemment, parce que dans cet immense tas de décombres, toutes les matières sont moins dures et moins solides que dans les carrières de pierres anciennes. Ainsi la nature, même dans son désordre, et lorsqu’elle nous paraît n’avoir travaillé que dans la confusion, sait tirer de ce désordre même des effets précieux et former des matières utiles, telles que le plâtre, avec de la poussière inerte et des acides destructeurs ; et comme cette poussière de pierre, lorsqu’elle est fortement imprégnée d’acides, ne prend pas un grand degré de dureté, et que les couches de plâtre sont plus ou moins tendres dans toute leur étendue, soit en longueur ou en largeur, il est arrivé que ces couches, au lieu de se fendre comme les couches de pierre dure par le dessèchement de distance en distance sur leur longueur, se sont au contraire fendues dans tous les sens, en se renflant tant en largeur qu’en longueur ; et cela doit arriver dans toute matière molle qui se renfle d’abord par le dessèchement avant de prendre sa consistance. Cette même matière se divisera par ce renflement en prismes plus ou moins gros et à plus ou moins de faces, selon qu’elle sera plus ou moins tenace dans toutes ses parties. Les couches de pierre au contraire, ne se renflant point par le dessèchement, ne se sont fendues que par leur retraite et de loin en loin, et plus fréquemment sur leur longueur que sur leur largeur, parce que ces matières plus dures avaient trop de consistance, même avant le dessèchement, pour se fendre dans ces deux dimensions, et que dès lors les fentes perpendiculaires n’ont pu se faire que par effort sur l’endroit le plus faible, où la matière s’est trouvée un peu moins dure que le reste de la masse, et qu’enfin le dessèchement seul, c’est-à-dire sans renflement de la matière, ne peut la diviser que très irrégulièrement et jamais en prismes ni en aucune autre figure régulière.




DES PIERRES COMPOSÉES

DE MATIÈRES VITREUSES ET DE SUBSTANCES CALCAIRES.

Dès que les eaux se furent emparées du premier débris des grandes masses vitreuses, et que la matière calcaire eut commencé à se produire dans leur sein par la génération des coquillages, bientôt ces détriments vitreux et calcaires furent transportés, déposés tantôt seuls et purs, et tantôt mélangés et confondus ensemble suivant les différents mouvements des eaux. Les mélanges qui s’en formèrent alors durent être plus ou moins intimes, selon que ces poudres étaient ou plus ténues ou plus grossières, et suivant que la mixtion s’en fit plus ou moins complètement. Les mélanges les plus imparfaits nous sont représentés par la marne, dans laquelle l’argile et la craie sont mêlées sans adhésion, et confondues sans union proprement dite. Une autre mixtion un peu plus intime est celle qui s’est faite, par succession de temps, de l’acide des argiles[NdÉ 1] qui s’est déposé sur les

  1. Nous avons au Cabinet du Roi des mâchoires de cerf avec leurs dents, trouvées dans les carrières de plâtre de Montmartre, près Paris.
  1. Acide silicique. [Note de Wikisource : Sur le prétendu acide silicique, voyez notre note à l’article des verres primitifs.]