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De même il faut une quantité plus que double d’eau pour fondre une quantité donnée de chaux, tandis qu’il ne faut qu’une quantité égale d’eau pour détremper le plâtre calciné, c’est-à-dire plus de deux livres d’eau pour une livre de chaux vive, et une livre d’eau seulement pour une livre de plâtre calciné.

Une propriété commune à ces deux matières, c’est-à-dire à la chaux et au plâtre cal-

    verre, sa couleur m’a paru plus foncée, et, l’ayant goûtée, j’y ai démêlé une saveur acide et néanmoins salée ; je l’ai filtrée avant qu’elle ait été refroidie, et, l’ayant mise dans un lieu frais, j’ai trouvé le lendemain, au fond du vaisseau, trente-six grains de nitre bien cristallisé, formé en aiguilles ou petites colonnes à six faces, qui s’est enflammé sur les charbons en fulminant comme le nitre le plus pur. J’ai fait ensuite évaporer pendant quelques instants le peu de liqueur qui me restait, et j’en ai encore retiré la même quantité de matière saline, d’une espèce différente à la vérité de la première ; car c’était du sel marin, sans aucun mélange d’autres sels, qui était cristallisé en cubes, mais dont la face attachée au vaisseau avait la forme du sommet d’une pyramide dont l’extrémité aurait été coupée ; le reste de la liqueur s’est ensuite épaissi, et il ne s’y est formé aucuns cristaux salins.

    J’ai fait calciner dans un fourneau à chaux un autre morceau de plâtre ; il pesait, après l’avoir calciné, dix onces : sa superficie était devenue très dure, et il exhalait une forte odeur de soufre ; l’ayant cassé, l’intérieur s’est trouvé très blanc, mais cependant parsemé de taches et de veines bleues, et l’odeur sulfureuse était encore plus pénétrante au dedans qu’au dehors ; après l’avoir broyé, j’ai versé quelques gouttes d’eau-forte sur une pincée de ce plâtre, et il a été sur le champ dissous avec beaucoup d’effervescence, quoique les esprits acides soient sans action sur le plâtre cru et sur celui qui n’a éprouvé qu’une chaleur modérée ; j’en ai ensuite détrempé une once avec de l’eau, mais ce mélange ne s’est point échauffé d’une manière sensible, comme il serait arrivé à la chaux ; cependant il s’en est élevé des vapeurs sulfureuses extrêmement pénétrantes : ce plâtre a été très longtemps à se sécher, et il n’a acquis ni dureté ni adhésion.

    On sait en général que les corps qui sont imprégnés d’une grande quantité de sels et de soufre sont ordinairement très durs : telles sont les pyrites vitrioliques et plusieurs autres concrétions minérales. On observe de plus que certains sels ont la propriété de s’imbiber d’une quantité d’eau très considérable, et de faire paraître les liquides sous une forme sèche et solide : si on fait dissoudre dans une quantité d’eau suffisante une livre de sel de Glauber, qu’on aura fait sécher auparavant à la chaleur du feu ou aux rayons du soleil jusqu’à ce qu’il soit réduit en une poudre blanche, on retirera de cette dissolution environ trois livres de sel bien cristallisé ; ce qui prouve que l’eau qu’il peut absorber est en proportion double de son poids. Il se peut donc faire que la petite quantité de sel que le plâtre contient contribue, en quelque chose, à sa cohésion ; mais je suis persuadé que c’est principalement au soufre auquel il est uni qu’on doit attribuer la cause du prompt dessèchement et de la dureté qu’il acquiert, après avoir éprouvé l’effervescence, en comparaison de celle qu’acquiert la chaux vive jetée dans l’eau ; cette effervescence est cependant assez semblable et très réelle, puisqu’il y a mouvement intestin, chaleur sensible et augmentation de volume : or, toute effervescence occasionne une raréfaction, et même une génération d’air, et c’est par cette raison que le plâtre se renfle et qu’il pousse en tous sens, même après qu’il a été mis en œuvre ; mais cet air produit par l’effervescence est bientôt absorbé et fixé de nouveau dans les substances qui abondent en soufre. En effet, selon M. Hales (Statique des végétaux, expérience ciii), le soufre absorbe l’air non seulement lorsqu’il brûle, mais même lorsque les matières où il se trouve incorporé fermentent : il donne pour exemple des mèches, faites de charpie de vieux linges trempées dans du soufre fondu et ensuite enflammé, qui absorbèrent cent quatre-vingt-dix-huit pouces cubiques d’air. On sait d’ailleurs que cet air ainsi fixé, et qui a perdu son ressort, attire avec autant de force qu’il repousse dans son état d’élasticité ; on peut donc croire que le ressort de l’air contenu dans le plâtre, ayant été détruit durant l’effervescence par le soufre auquel il est uni, les parties constituantes de ce mixte s’attirent alors mutuellement, et se rapprochent assez pour lui donner la dureté et la densité que nous lui voyons prendre en aussi peu de temps. (Note communiquée par M. Nadault.)