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cette figure prismatique à plus ou moins de faces, suivant la résistance plus ou moins grande de la matière environnante.

Le plâtre semble différer de toutes les autres matières par la propriété qu’il a de prendre très promptement de la solidité, après avoir été calciné, réduit en poudre et détrempé avec de l’eau ; il acquiert même tout aussi promptement, et sans addition d’aucun sable ni ciment, un degré de dureté égal à celui du meilleur mortier fait de sable et de chaux : il prend corps de lui-même et devient aussi solide que la craie la plus dure, ou la pierre tendre ; il se moule parfaitement, parce qu’il se renfle en se desséchant ; enfin il peut recevoir une sorte de poli, qui, sans être brillant, ne laisse pas d’avoir un certain lustre.

La grande quantité d’acides dont la matière calcaire est imprégnée dans tous les plâtres et même saturée, ne fait en somme qu’une très petite addition de substance, car elle n’augmente sensiblement ni le volume ni la masse de cette même matière calcaire : le poids du plâtre est à peu près égal à celui de la pierre blanche dont on fait de la chaux, mais ces dernières pierres perdent plus du tiers et quelquefois moitié de leur pesanteur en se convertissant en chaux, au lieu que le plâtre ne perd qu’environ un quart par la calcination[1]

  1. J’ai mis dans le foyer d’une forge un morceau de plâtre du poids de deux livres, et après lui avoir fait éprouver une chaleur de la plus grande violence, pendant l’espace de près de huit heures, lorsque je l’en ai tiré, il ne pesait plus que vingt-quatre onces trois gros. Il m’a paru qu’il avait beaucoup diminué de volume ; sa couleur était devenue jaunâtre ; il était beaucoup plus dur qu’auparavant, surtout à sa surface ; il n’avait ni odeur ni goût, et l’eau-forte n’y a fait aucune impression. Après l’avoir broyé avec peine, je l’ai détrempé dans une suffisante quantité d’eau ; mais il ne s’en est pas plus imbibé que si c’eût été du verre en poudre, et il n’a acquis ensuite ni dureté ni cohésion. J’ai répété encore cette expérience de la manière suivante : j’ai fait calciner un morceau de plâtre dans un fourneau à chaux, et au degré de chaleur nécessaire pour la calcination de la pierre ; après l’avoir retiré du fourneau, j’ai observé que sa superficie s’était durcie et était devenue jaunâtre ; mais ce qui m’a surpris, c’est que ce plâtre exhalait une odeur de soufre extrêmement pénétrante ; l’ayant cassé, je l’ai trouvé plus tendre à l’intérieur que lorsqu’il a été cuit à la manière ordinaire, et, au lieu d’être blanc, il était d’un bleu clair : j’ai remis encore une partie de ce morceau de plâtre dans un fourneau de la même espèce, sa superficie y a acquis beaucoup plus de dureté, l’intérieur était aussi beaucoup plus dur qu’auparavant ; le feu avait enlevé sa couleur bleue, et l’odeur de soufre se faisait sentir beaucoup moins. Celui qui n’avait éprouvé que la première calcination s’est réduit facilement en poudre ; l’autre au contraire était parsemé de grains très durs, qu’il fallait casser à coups de marteau : ayant détrempé ces deux morceaux de plâtre pulvérisé dans de l’eau pour essayer d’en former une pâte, le premier a exhalé une odeur de soufre si forte et si pénétrante, que j’avais peine à la supporter ; mais je ne me suis pas aperçu que le mélange de l’eau ait rendu l’odeur du second plus sensible, et ils n’ont acquis l’un et l’autre, en se desséchant, ni dureté ni cohésion.

    J’ai fait calciner un autre morceau de plâtre, du poids d’environ trois livres, au degré de chaleur qu’on fait ordinairement éprouver à cette pierre lorsqu’on veut l’employer : après avoir broyé ce plâtre, je l’ai détrempé dans douze pintes d’eau de fontaine, que j’ai fait bouillir pendant l’espace de deux heures dans des vaisseaux de terre vernissés : j’ai versé ensuite l’eau par inclinaison dans d’autres vaisseaux ; et, après l’avoir filtrée, j’ai continué de la faire évaporer par ébullition ; pendant l’évaporation, sa superficie s’est couverte d’une pellicule formée de petites concrétions gypseuses, qui se précipitaient au fond du vaisseau lorsqu’elles avaient acquis un certain volume : la liqueur étant réduite à la quantité d’une bouteille, j’en ai séparé ces concrétions gypseuses, qui pesaient environ une once, et qui étaient blanches et demi-transparentes. En ayant mis sur des charbons allumés, loin d’y acquérir une plus grande blancheur, comme il serait arrivé au plâtre cru, elles y sont devenues presque aussitôt brunes ; j’ai filtré la liqueur, qui était alors d’un jaune clair et d’un goût un peu lixiviel, et l’ayant fait évaporer au feu de sable dans un grand bocal, il s’y est encore formé des concrétions gypseuses. Lorsque la liqueur a été réduite à la quantité d’un