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appendices extérieurs de cette roche, et qui, comme elle, sont solides et vitreuses : on doit donc y comprendre le roc vif, les quartz, les jaspes, le feldspath, les schorls, les micas, les grès, les porphyres, les granits et toutes les pierres de première et même de seconde formation qui ne

    avec certitude en aucun point de la terre, et les granits que l’on avait considérés comme tels semblent plutôt appartenir aux formations sédimentaires les plus anciennes qui recouvrent partout la croûte primitive. » (Credner, Traité de Géologie et de Paléontologie, p. 272.) Ailleurs, il dit : « La terre, pendant son état de fusion, par le rayonnement dans l’espace, se recouvrit d’une enveloppe scoriacée, soumise à la pression d’une atmosphère dans laquelle se trouvaient à l’état de gaz et de vapeurs tout le carbone et tout l’acide carbonique fixés aujourd’hui dans les êtres organisés, toute l’eau qui couvre la surface du sol ou est cachée dans sa profondeur. Sous cette pression, plus forte que la pression actuelle, l’eau pouvait se condenser à une température plus élevée qu’aujourd’hui, et la terre se recouvrit d’une mer d’eaux surchauffées. Celles-ci commencèrent énergiquement leur action de destruction et de dissolution sur la croûte solidifiée, et, par un refroidissement lent, elles laissèrent tomber les éléments qu’elles tenaient en solution, fournissant ainsi l’élément cristallin des schistes gneissiques et des micachistes. Plus tard, la formation des dépôts par voie chimique faisant place de plus en plus aux formations de cause mécanique, les éléments des schistes argileux se déposèrent à leur tour. »

    Il est vrai qu’après la formation de ces premières couches déposées par les eaux de l’océan universel, au-dessus de l’écorce solide du globe, couches dont les matériaux étaient, du reste, empruntés à l’eau elle-même, des éruptions de matières fondues se produisirent ; mais il serait difficile de dire d’où provenaient ces matières fondues, si elles étaient constituées par des substances restées en fusion au-dessous de la croûte terrestre dans le centre de la terre, ou si elles provenaient de portions de cette croûte fondue par des foyers de chaleur locaux et relativement superficiels. Ce qui tendrait à faire croire que la dernière opinion est la plus vraie, c’est qu’il est manifeste que l’eau a joué un rôle important dans la formation des roches éruptives, même les plus anciennes. « L’analogie avec les phénomènes que présentent aujourd’hui les volcans, dit Credner (loc. cit., p. 260), fait croire à la coopération de l’eau dans la formation des roches éruptives aux époques anciennes. » Il fait remarquer ensuite que beaucoup de roches éruptives fournissent la preuve de l’intervention de l’eau dans leur formation « par les petites cavités microscopiques remplies d’eau ou de solutions aqueuses (solutions de chlorure de sodium, par exemple) qu’elles contiennent. Ces inclusions liquides existent en quantité considérable dans le quartz de presque tous les granits, syénites, porphyres quartzifères et mélaphyres, et dans les feldspaths de la plupart de ces roches ; elles contiennent quelquefois de petites vésicules d’air qui, dans les mouvements imprimés à la lamelle observée, se meuvent de côté et d’autre. À côté de ces bulles, il n’est pas rare d’observer de petits cubes de chlorure de sodium libres dans la solution… Une série particulière de phénomènes qui se passent au contact de certaines roches éruptives (métamorphoses de contact) ne trouvent d’explication satisfaisante que si l’on suppose les premières contenant de l’eau. On peut seulement admettre que l’eau surchauffée, dégagée lors du refroidissement des laves éruptives, pénètre, chargée de substances minérales, dans les roches voisines, et détermine leur transformation pétrographique. » L’intervention de l’eau surchauffée, dans la formation des roches éruptives, leur a fait donner par certains géologues le nom d’hydatopyrogènes. Or, cette intervention n’est guère possible qu’à la condition de supposer que les roches éruptives se forment à une distance relativement peu considérable de la surface de la terre. Il est, en effet, difficile de supposer que l’eau de nos mers, de nos fleuves ou de nos lacs pénètre jusque dans le noyau terrestre. Il n’est d’ailleurs nullement prouvé que ce noyau soit actuellement en fusion. J’ai déjà rappelé l’opinion du célèbre mathématicien Poisson, d’après laquelle le refroidissement et la solidification de la terre auraient débuté, non point à la surface, mais, au contraire, au centre du globe.

    De tout cela, il est permis de conclure avec quelque probabilité qu’il n’existe actuellement, à la surface de la terre, aucune roche « produite par le feu primitif ».