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sélénite[1]. » Il me semble qu’on peut distinguer l’un de l’autre, en disant que le gypse n’est en effet imprégné que de l’acide vitriolique, tandis que le plâtre contient non seulement l’acide vitriolique avec la base calcaire, mais encore une portion d’acides nitreux. D’ailleurs le prétendu gypse, fait artificiellement en mêlant de l’acide vitriolique avec une terre calcaire, ne ressemble pas assez au gypse ou au plâtre produit par la nature pour qu’on puisse dire que c’est une seule et même chose : M. Pott avoue même que ces deux produits de l’art et de la nature ont des différences sensibles ; mais, avant de prononcer affirmativement sur le nombre et la qualité des éléments dont le plâtre est composé après la calcination, il faut d’abord le voir et l’examiner dans son état de nature.

Les plâtres sont disposés, comme les pierres calcaires, par lits horizontaux ; mais tout concourt à prouver que leur formation est postérieure à celle de ces pierres. 1o  Les masses ou couches de plâtre surmontent généralement les bancs calcaires et n’en sont jamais surmontés ; ces plâtres ne sont recouverts que de couches plus ou moins épaisses d’argile ou de marne amoncelées, et souvent mélangées de terre limoneuse. 2o  La substance du plâtre n’est évidemment qu’une poudre détachée des masses calcaires anciennes, puisque le plâtre ne contient point de coquilles, et qu’on y trouve, comme nous le verrons, des ossements d’animaux terrestres, ce qui suppose une formation postérieure à celle des bancs calcaires. 3o  Cette épaisseur d’argile, dont on voit encore la plupart des carrières de plâtre surmontées, semble être la source d’où l’acide a découlé pour imprégner les plâtres, en sorte que la formation des masses plâtreuses paraît tenir à la circonstance de ces dépôts d’argile rapportés sur les débris des matières calcaires, telles que les craies, qui dès lors ont reçu par stillation les acides, et surtout l’acide vitriolique plus abondant qu’aucun autre dans les argiles, ce qui n’empêche pas que, lors de sa formation, le plâtre n’ait aussi reçu d’autres principes salins, dont l’eau de la mer était imprégnée, et c’est en quoi le plâtre diffère du gypse dans lequel l’acide vitriolique est seul combiné avec la terre calcaire.

Mais de quelque part que viennent les acides contenus dans le plâtre, il est certain que le fond de sa substance n’est qu’une poussière calcaire qui ne diffère de la craie qu’en ce qu’elle est fortement imprégnée de ces mêmes acides ; et ce mélange d’acides dans la matière calcaire suffit pour en changer la nature, et pour donner aux stalactites qui se forment dans le plâtre des propriétés et des formes toutes différentes de celles des spaths et autres concrétions calcaires : les parties intégrantes du gypse, vues à la loupe, paraissent être tantôt des prismes engrenés les uns dans les autres, tantôt de longues lames avec des fibres uniformes en filaments allongés, comme dans l’alun de plume, auquel l’acide donne aussi cette forme, mais dans une matière bien différente, puisque la base de l’alun est argileuse, au lieu que celle de tout plâtre est calcaire.

La plupart des auteurs ont employé sans distinction le nom de gypse et celui de plâtre pour signifier la même chose ; mais, pour éviter une seconde confusion de noms, nous n’appellerons plâtre que celui qui est opaque, et que l’on trouve en grands bancs comme la pierre calcaire, d’autant que le nom de gypse n’est connu ni dans le commerce, ni par les ouvriers qui nomment plâtre toute matière gypseuse et opaque : nous n’appliquerons donc le nom de gypse qu’à ce que l’on appelait sélénite, c’est-à-dire à ces morceaux transparents et toujours de figure régulière que l’on trouve dans toutes les carrières plâtreuses.

Le plâtre ressemble, dans son état de nature, à la pierre calcaire tendre ; il est de même opaque et si friable, qu’il ne peut recevoir le moindre poli ; le gypse au contraire est transparent dans toute son épaisseur ; sa surface est luisante et colorée de jaunâtre, de verdâtre, et quelquefois elle est d’un blanc clair. Les dénominations de pierre spéculaire

  1. Dictionnaire de Chimie, in-12 ; Paris, 1778, t. II, p. 429.