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que les mousses pétrifiées et toutes les autres concrétions dans lesquelles on trouve des figures de végétaux ; car supposons qu’au lieu d’ossements d’animaux accumulés dans ces cavernes, la nature ou la main de l’homme y eussent entassé une grande quantité de roseaux ou de mousses, n’est-il pas évident que ce même suc pierreux aurait saisi les mousses et les roseaux, les aurait incrustés en dehors, et remplis en dedans et même dans tous leurs pores ; que dès lors ces concrétions pierreuses en auront pris la forme, et qu’après la destruction et la pourriture de ces matières végétales, la concrétion pierreuse subsistera et se présentera sous cette même forme ? nous en avons la preuve démonstrative dans certains morceaux qui sont encore roseaux en partie, et du reste ostéocolles : je connais aussi des mousses dont le bas est pleinement incrusté, et dont le dessus est encore vert et en état de végétation. Et, comme nous l’avons dit, tout ce qu’on appelle pétrifications ne sont que des incrustations qui non seulement se sont appliquées sur la surface des corps, mais en ont même pénétré et rempli les vides et les pores en se substituant peu à peu à la matière animale ou végétale, à mesure qu’elle se décomposait.

On vient de voir, par la note précédente, que les ostéocolles ne sont que des incrustations d’une matière crétacée ou marneuse ; et ces incrustations se forment quelquefois en très peu de temps, aussi bien au fond des eaux que dans le sein de la terre. M. Dutour, correspondant de l’Académie des sciences, cite une ostéocolle qu’il a vu se former en

    toute la tige et des racines, jusqu’à ce qu’avec le temps toutes ces cavités se trouvent exactement remplies ; l’eau superflue trouve aisément une issue, dont les traces se manifestent dans le centre poreux des branches ; voilà comment ce fossile se forme… L’humidité croupissante qui est perpétuellement autour du fossile est le véritable obstacle à son endurcissement.

    » Quelques auteurs ont regardé comme de l’ostéocolle une certaine espèce de tuf en partie informe, en partie composé de l’assemblage de plusieurs petits tuyaux de différente nature : ce tuf se trouve en abondance dans plusieurs contrées de la Thuringe et en d’autres endroits…

    » L’expérience, jointe au consentement de plusieurs auteurs, dépose que le terrain naturel et le plus convenable à l’ostéocolle est un terroir stérile, sablonneux et léger ; au contraire, un terrain gras, consistant, argileux, onctueux et limoneux, etc., lorsqu’il vient à être délayé par l’eau, laisse passer lentement et difficilement l’eau elle-même, et à plus forte raison quelque autre terre, comme celle dont l’ostéocolle est formée ; l’ostéocolle se mêlerait intimement à la terre grasse, dans l’intérieur de laquelle elle formerait des lits plats, plutôt que de pénétrer une substance aussi consistante. » (Extrait des Mémoires de l’Académie de Prusse, par M. Paul ; Avignon, 1768, t. V, in-12, p. 1 et suiv. du Supplément à ce volume.)

    M. Bruckmann dit, comme M. Gleditsch, que les ostéocolles ne se trouvent point dans les terres grasses et argileuses, mais dans les terrains sablonneux ; il y en a près de Francfort-sur-l’Oder, dans un sable blanchâtre, mêlé d’une matière noire, qui n’est que du bois pourri : l’ostéocolle est molle dans la terre, mais plutôt friable que ductile ; elle se dessèche et durcit en très peu de temps à l’air : c’est une espèce de marne, ou du moins une terre qui lui est fort analogue. Les différentes figures des ostéocolles ne viennent que des racines auxquelles cette matière s’attache ; de là provient aussi la ligne noire qu’on trouve presque toujours dans leur milieu : elles sont toutes creuses, à l’exception de celles qui sont formées de plusieurs petites fibres de racines accumulées et réunies par la matière marneuse ou crétacée. Voyez la Collection académique, partie étrangère, t. II, p. 155 et 156.

    M. Beurer, de Nuremberg, ayant fait déterrer grand nombre d’ostéocolles, en a trouvé une dans le temps de sa formation : c’était une souche de peuplier noir qui, par son extrémité supérieure, était encore ligneuse, et dont la racine était devenue une véritable ostéocolle. Voyez les Transact. philosophiques, année 1745, no 476.

    M. Guettard a aussi trouvé des ostéocolles en France, aux environs d’Étampes, et parti-