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dans l’Histoire de l’Académie des sciences[1], un albâtre trouvé par M. Puget aux environs de Marseille, qui est si transparent, que, par le poli très parfait dont il est susceptible, on voit, à plus de deux doigts de son épaisseur, l’agréable variété de couleurs dont il est embelli : le marbre à demi transparent, que M. Pallas a vu dans la province d’Ischski, en Tartarie, est vraisemblablement un albâtre semblable à celui de Marseille. Il en est de même du bel albâtre de Grenade en Espagne, qui, selon M. Bowles, est aussi brillant et transparent que la plus belle cornaline blanche, mais qui néanmoins est fort tendre, à moitié blanc et à moitié couleur de cire[2] : en général la transparence dans les pierres calcaires, les marbres et les albâtres, ne provient que de la matière spathique qui s’y trouve incorporée et mêlée en grande quantité, car les autres matières pierreuses sont opaques.

Au reste, on peut regarder comme une espèce d’albâtre toutes les incrustations et même les ostéocolles et les autres concrétions pierreuses moulées sur des végétaux ou sur des ossements d’animaux : il s’en trouve de cette dernière espèce en grande quantité dans les cavernes du margraviat de Bareith, dont S. A. S. monseigneur le margrave d’Anspach a eu la bonté de m’envoyer la description suivante : « On connaît assez les marbres qui renferment des coquilles ou des pétrifications qui leur ressemblent… Mais ici on trouve des masses pierreuses pétries d’ossements d’une manière semblable : elles sont nées, pour ainsi dire, de la conglutination des fragments des stalactites de la pierre calcaire grise qui fait la base de toute la chaîne de ces montagnes, d’un peu de sable, d’une substance marneuse et d’une quantité infinie de fragments d’os. Il y a dans une seule pierre, dont on a trouvé des masses de quelques centaines de livres, un mélange de dents de différentes espèces, de côtes, de cartilages, de vertèbres, de phalanges, d’os cylindriques, en un mot de fragments d’os de tous les membres qui y sont par milliers. On trouve souvent dans ces mêmes pierres un grand os qui en fait la pièce principale, et qui est entouré d’un nombre infini d’autres ; il n’y a pas la moindre régularité dans la disposition des couches. Si l’on versait de la chaux détrempée sur un mélange d’esquilles, il en naîtrait quelque chose de semblable. Ces masses sont déjà assez dures dans les cavernes… mais lorsqu’elles sont exposées à l’air, elles durcissent au point que, quand on s’y prend comme il faut, elles sont susceptibles d’un médiocre poli. On trouve rarement des cavités dans l’intérieur ; les interstices sont remplis d’une matière compacte que la pétrification a encore décomposée davantage. Je m’en suis à la fin procuré, avec beaucoup de peines, une collection si complète, que je puis présenter presque chaque os remarquable du squelette de ces animaux, enchâssé dans une propre pièce, dont il fait l’os principal. En entrant dans ces cavernes, pour la première fois, nous en avons trouvé une si grande quantité, qu’il eût été facile d’en amasser quelques charretées.

» Un heureux destin m’avait réservé à moi et à mes amis, entre autres, un morceau de cette pierre osseuse à peu près de trois pieds de long sur deux de large et autant d’épaisseur… La curiosité nous le fit mettre en pièces, car il était impossible de le faire passer par ces détroits pour le sortir en entier ; chaque morceau, à peu près de deux livres, nous présenta plus de cent fragments d’os… j’eus le plaisir de trouver dans le milieu une dent canine, longue de quatre pouces, bien conservée ; nous avons aussi

  1. Année 1703, p. 17. — « Dans certaines grottes, comme dans celle de la montagne de Luminiani près de Vicence en Italie, les cristallisations spathiques sont jaunâtres et ressemblent au plus beau sucre candi ; les cristaux sont en forme de pyramides triangulaires, dont le sommet est très aigu : communément elles sont verticales ; de nouvelles pyramides sortent des côtés de ces premières et deviennent horizontales : on peut en détacher de très grands blocs. » Note de M. le baron de Dietrich, dans les Lettres de M. Ferber, p. 25.
  2. Histoire naturelle d’Espagne, par M. Bowles, p. 424 et 425.