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sphères réunies par un collet : ces sortes de blocs figurés présentent encore la forme de la substance des astroïtes, cerveaux de mer, etc., dont ils ne sont que les masses entières ou les fragments ; leurs rides et leurs pores ont été remplis d’une matière blanche toute semblable à celle de ces productions marines. Les stries et les étoiles que l’on voit à la surface de plusieurs de ces blocs ne laissent aucun doute sur la première nature de ces pierres, qui n’étaient d’abord que des masses coquilleuses produites par les polypes et autres animaux de même genre, et qui dans la suite, par l’addition et la pénétration du suc extrait de ces mêmes substances, sont devenues des pierres solides et même sonores.

La troisième espèce de ces pierres en blocs et en débris se trouve comme la première sur la pente des montagnes calcaires et même dans leurs vallons ; ces pierres sont plates comme le moellon commun, et presque toujours renflées dans leur milieu et plus minces sur les bords comme sont les galets ; toutes sont colorées de gris foncé ou de bleu dans cette partie du milieu qui est toujours environnée d’une substance pierreuse blanchâtre, qui sert d’enveloppe à tous ces noyaux colorés[1], et qui a été formée postérieurement à ces noyaux ; néanmoins ils ne paraissent pas être d’une formation aussi ancienne que ceux de la seconde sorte, car ils ne contiennent point de coquilles ; leur couleur et les points brillants dont leur substance est parsemée indiquent qu’ils ont d’abord été formés par une matière pierreuse imprégnée de fer ou de quelque autre minéral qui les a colorés, et qu’après avoir été séparés des rochers où ils se sont formés, ils ont été roulés et aplatis en forme de galets, et qu’enfin ce n’est qu’après tous ces mouvements et ces altérations qu’ils ont été saisis de nouveau par le liquide pétrifiant qui les a tous enveloppés séparément et quelquefois réunis ensemble ; car on trouve de ces pierres à noyau coloré non seulement en gros blocs, mais même en grands bancs de carrières, qui toutes sont situées sur la pente et au pied des montagnes ou collines calcaires, dont ces blocs ne sont que les plus anciens débris.

  1. C’est à ces sortes de pierres que l’on peut rapporter celles qui se trouvent à une lieue et demie de Riom, en Auvergne, et dont M. Dutour fait mention dans les termes suivants : « La terre végétale qui couvre la terre crétacée en est séparée par un lit de pierres ; ces pierres sont branchues, baroques, quelquefois percées de part en part par des trous ronds : intérieurement elles sont compactes, nullement farineuses, et de couleur ou grise ou bleuâtre ; leur extérieur est recouvert d’une écorce, tantôt dure, tantôt friable, toujours blanche et telle que si on les avait trempées dans de la chaux éteinte : il y a de ces pierres éparses au-dessus de la terre végétale, mais au-dessous de cette couche végétale, qui a environ un pied et demi d’épaisseur, on voit un lit de ces mêmes pierres, si exactement enclavées les unes dans les autres, qu’il en résulte un banc continu en apparence. Sa surface supérieure est seulement raboteuse, et ce lit de pierre se continue sur la terre crétacée… L’espace où se trouvent ces pierres, ainsi que la terre crétacée qui est au-dessous, était occupé dans les premiers temps par un banc homogène de pierres calcaires, que les eaux des pluies ont entraîné par succession de temps. » Observation sur un banc de terre crétacée, etc., par M. Dutour, dans les Mémoires des savants étrangers, t. V, p. 54. — Aux bords de l’Albarine, surtout près de Saint-Denis, il y a une immensité de cailloux roulés (qui sont bien de terre calcaire, puisqu’on en fait de très bonne chaux) ; ils ont une croûte blanche à peu près concentrique, et un noyau d’un beau gris bleu. Le hasard ne peut avoir fait que des fragments de blocs mêlés se soient usés et arrondis concentriquement suivant leurs couleurs : quelle peut donc être la formation de ces cailloux ? (Lettre de M. de Morveau à M. le comte de Buffon, datée de Bourg-en-Bresse le 22 septembre 1778.) — Je puis ajouter à toutes ces notes particulières que, dans presque tous les pays dont les collines sont composées de pierres calcaires, il se trouve de ces pierres dont l’intérieur, plus anciennement formé que l’extérieur, est teint de gris ou de bleu, tandis que les couches supérieures et inférieures sont blanches ; ces pierres sont en moellons plats, et il ne leur manque, pour ressembler entièrement aux prétendus cailloux du Rhône, que d’avoir été roulés.