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comme en Pologne, où les craies sont très abondantes, et particulièrement dans le territoire de Sadki, où M. Guettard dit, d’après Rzaczynski, qu’on ne trouve la craie qu’au-dessous d’un lit de mine de fer qui est précédé de plusieurs autres couches de différentes matières[1].

Ces dépôts de craie, formés au fond de la mer par le sédiment des eaux, n’étaient pas originairement d’une matière aussi simple et aussi pure qu’elle l’est aujourd’hui ; car on trouve entre les couches de cette matière crétacée de petits lits de substance vitreuse ; le silex, que nous nommons pierre à fusil, n’est nulle part en aussi grande quantité que dans les craies. Ainsi cette poussière crétacée était mélangée de particules vitreuses et silicées, lorsqu’elle a été transportée et déposée par les eaux ; et après l’établissement de ces couches de craie mêlées de parties silicées, l’eau les aura pénétrées par infiltration, se sera chargée de ces particules silicées, et les aura déposées entre les couches de craie, où elles se seront réunies par leur force d’affinité ; elles y ont pris la forme et le volume que les cavités ou les intervalles entre les couches leur ont permis de prendre. Cette sécrétion de silex se fait dans les craies de la même manière que celle de la matière calcaire se fait dans les argiles : ces substances hétérogènes, atténuées par l’eau et entraînées par sa filtration, sont également posées entre les grandes couches de craie et d’argile, et disposées de même en lits horizontaux ; seulement on observe que les petites masses de pierres calcaires, ainsi formées dans l’argile, sont ordinairement plates et assez minces, au lieu que les masses de silex formées dans la craie sont presque toujours en petits blocs épais et arrondis. Cette différence peut provenir de ce que la résistance de l’argile est plus grande que celle de la craie ; en sorte que la force de la masse silicée qui tend à se former soulève ou comprime aisément la craie dont elle se trouve environnée, au lieu que la même force ne peut faire un aussi grand effet dans l’argile qui, étant plus compacte et plus pesante, cède plus difficilement et se comprime moins. Il y a encore une différence très apparente dans l’établissement de ces deux sécrétions, relativement à leur quantité : dans les collines de craie coupées à pic, on voit partout ces lits de silex, dont la couleur brune contraste avec le blanc de la couche de craie ; souvent il se trouve de distance à autre plusieurs de ces lits toujours posés horizontalement entre les grands lits de craie, dont l’épaisseur est de plusieurs pieds, en sorte que toute la masse de craie, jusqu’à la dernière couche, paraît être traversée horizontalement par ces petits lits de silex, au lieu que dans les argiles coupées de même aplomb, les petits lits de pierre calcaire ne se trouvent qu’entre les couches supérieures, et n’ont jamais autant d’épaisseur et de continuité que les lits de silex, ce qui paraît encore provenir de la plus grande facilité de l’infiltration des eaux dans la craie qu’elles pénètrent dans toute son épaisseur, au lieu qu’elles ne pénètrent que les premières couches de l’argile, et ne peuvent par conséquent déposer des matières calcaires à une grande profondeur.

La craie est blanche, légère et tendre, et selon ses degrés de pureté elle prend différents noms. Comme toutes les autres substances calcaires, elle se convertit en chaux par l’action du feu et fait effervescence avec les acides ; elle perd environ un tiers de son poids par la calcination, sans que son volume en soit sensiblement diminué, et sans que sa nature en soit essentiellement altérée[NdÉ 1], car en la laissant exposée à l’air et à la pluie, cette chaux de craie reprend peu à peu les parties intégrantes que le feu lui avait enlevées, et dans ce nouvel état on peut la calciner une seconde fois, et en faire de la chaux d’aussi

  1. Mémoires de l’Académie des sciences, année 1762, p. 294.
  1. La calcination « altère » au contraire profondément la « nature de la craie ». Elle lui enlève son acide carbonique et son eau et la transforme en chaux ou oxyde de calcium. Mais si on laisse la chaux exposée à l’air, elle reprend à l’atmosphère de l’acide carbonique et de l’eau et se transforme de nouveau en carbonate de chaux hydraté.