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Ainsi avec le feu de forge on ne pourrait chauffer à blanc, en 799 200 minutes, ou 13 320 heures, qu’un globe dont le diamètre serait de 228 342 demi-pouces, et par conséquent il faudrait, pour que toute la masse de la comète soit échauffée au point du fer rougi à blanc pendant le peu de temps qu’elle a été exposée aux ardeurs du soleil, qu’elle n’eût eu que 228 342 demi-pouces de diamètre, et supposer encore qu’elle eût été frappée de tous côtés et en même temps par la lumière du soleil. D’où il résulte que si on la suppose plus grande, il faut nécessairement supposer plus de temps dans la même raison de n à 7 n − 3/2 ; en sorte, par exemple, que si l’on veut supposer la comète égale à la terre, on aura n = 941 461 920 demi-pouces, et 7 n − 3/2 = 3 295 116 718 minutes, c’est-à-dire qu’au lieu de 13 320 heures, il en faudrait 54 918 612, ou si l’on veut, au lieu de 1 an 190 jours, il faudrait 6 269 ans pour chauffer à blanc un globe gros comme la terre ; et par la même raison il faudrait que la comète, au lieu de n’avoir séjourné que 1 332 heures ou 55 jours 12 heures dans tout son périhélie, y eût demeuré 392 ans. Ainsi les comètes, lorsqu’elles approchent du soleil, ne reçoivent pas une chaleur immense, ni très longtemps durable, comme le dit Newton, et comme on serait porté à le croire à la première vue ; leur séjour est si court dans le voisinage de cet astre, que leur masse n’a pas le temps de s’échauffer, et qu’il n’y a guère que la partie de la surface exposée au soleil qui soit brûlée par ces instants de chaleur extrême, laquelle, en calcinant et volatilisant la matière de cette surface, la chasse au dehors en vapeurs et en poussière du côté opposé au soleil ; et ce qu’on appelle la queue d’une comète n’est autre chose que la lumière même du soleil rendue sensible, comme dans une chambre obscure, par ces atomes que la chaleur pousse d’autant plus loin qu’elle est plus violente.

Mais une autre considération bien différente de celle-ci et encore plus importante, c’est que, pour appliquer le résultat de nos expériences et notre calcul à la comète et à la terre, il faut les supposer composées de matières qui demanderaient autant de temps que le fer pour se refroidir ; tandis que, dans le réel, les matières principales dont le globe terrestre est composé, telles que les glaises, les grès, les pierres, etc., doivent se refroidir en bien moins de temps que le fer.

Pour me satisfaire sur cet objet, j’ai fait faire des globes de glaise et de grès, et, les ayant fait chauffer à la même forge jusqu’à les faire rougir à blanc, j’ai trouvé que les boulets de glaise de deux pouces se sont refroidis au point de pouvoir les tenir dans la main en trente-huit minutes, ceux de deux pouces et demi en quarante-huit minutes, et ceux de trois pouces en soixante minutes ; ce qui, étant comparé avec le temps du refroidissement des boulets de fer de ces mêmes diamètres de deux pouces, deux pouces et demi et trois pouces, donne les rapports de 38 à 80 pour deux pouces, 48 à 102 pour deux pouces et demi, et 60 à 127 pour trois pouces, ce qui fait un peu moins de 1 à 2 ; en sorte que, pour le refroidissement de la glaise, il ne faut pas la moitié du temps qu’il faut pour celui du fer.

J’observerai, au sujet de ces expériences, que les globes de glaise chauffés à feu blanc ont perdu de leur pesanteur encore plus que les boulets de fer et jusqu’à la neuvième ou dixième partie de leur poids ; au lieu que le grès chauffé au même feu ne perd presque rien du tout de son poids, quoique toute la surface se couvre d’émail et se réduise en verre. Comme ce petit fait m’a paru singulier, j’ai répété l’expérience plusieurs fois, en faisant même pousser le feu et le continuer plus longtemps que pour le fer ; et quoiqu’il ne fallût guère que le tiers du temps pour rougir le fer, je l’ai tenu à ce feu le double et le triple du temps, pour voir s’il perdrait davantage, et je n’ai trouvé que de très légères diminutions ; car le globe de deux pouces, chauffé pendant huit minutes, qui pesait sept onces deux gros trente grains avant d’être mis au feu, n’a perdu que quarante et un grains, ce qui ne fait pas la centième partie de son poids ; celui de deux pouces et demi, qui pesait quatorze onces deux gros huit grains, ayant été chauffé pendant douze minutes, n’a perdu que la