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du fer rougi, qu’elle eût séjourné pendant un temps très long dans le voisinage du soleil, au lieu qu’elle n’a fait que passer très rapidement, surtout à la plus petite distance, sur laquelle seule, néanmoins, Newton établit son calcul de comparaison. Elle était, le 6 décembre 1680, à 6/1000 de la distance de la terre au centre du soleil ; mais la veille ou le lendemain, c’est-à-dire vingt-quatre heures avant et vingt-quatre après, elle était déjà à une distance six fois plus grande, et où la chaleur était par conséquent trente-six fois moindre.

Si l’on voulait donc connaître la quantité de cette chaleur communiquée à la comète par le soleil, voici comment on pourrait faire cette estimation assez juste et en faire en même temps la comparaison avec celle du fer ardent, au moyen de mes expériences.

Nous supposerons comme un fait que cette comète a employé six cent soixante-six heures à descendre du point où elle était encore éloignée du soleil d’une distance égale à celle de la terre à cet astre, auquel point la comète recevait par conséquent une chaleur égale à celle que le terre reçoit du soleil, et que je prends ici pour l’unité ; nous supposerons de même que la comète a employé six cent soixante-six autres heures à remonter du point le plus bas de son périhélie à cette même distance ; et supposant aussi son mouvement uniforme, on verra que la comète, étant au point le plus bas de son périhélie, c’est-à-dire à 6/1000 de distance de la terre au soleil, la chaleur qu’elle a reçue dans ce moment était vingt-sept mille sept cent soixante-seize fois plus grande que celle que reçoit la terre ; en donnant à ce moment une durée de 80 minutes, savoir : 40 minutes en descendant et 40 minutes en montant, on aura :

À 6 de distance, 27 776 de chaleur pendant 80 minutes.

À 7 de distance, 20 408 de chaleur aussi pendant 80 minutes.

À 8 de distance, 15 625 de chaleur toujours pendant 80 minutes, et ainsi de suite jusqu’à la distance 1 000, où la chaleur est 1. En sommant toutes les chaleurs à chaque distance, on trouvera 363 410 pour le total de la chaleur que la comète a reçu du soleil, tant en descendant qu’en remontant, qu’il faut multiplier par le temps, c’est-à-dire par 3/4 d’heure ; on aura donc 484 547, qu’on divisera par 2 000, qui représente la chaleur totale que la terre a reçue dans ce même temps de 1 332 heures, puisque la distance est toujours 1 000, et la chaleur toujours = 1 ; ainsi l’on aura 242 /547 pour la chaleur que la comète a reçue de plus que la terre pendant tout le temps de son périhélie, au lieu de 28 000, comme Newton le suppose, parce qu’il ne prend que le point extrême, et ne fait nulle attention à la très petite durée du temps.

Et encore faudrait-il diminuer cette chaleur 242 /547 parce que la comète parcourait par son accélération d’autant plus de chemin dans le même temps, qu’elle était plus près du soleil.

Mais, en négligeant cette diminution et en admettant que la comète a en effet reçu une chaleur à peu près deux cent quarante-deux fois plus grande que celle de notre soleil d’été, et par conséquent 17 1/2 fois plus grande que celle du fer ardent, suivant l’estime de Newton, ou seulement dix fois plus grande suivant la correction qu’il faut faire à cette estime ; on doit supposer que pour donner une chaleur dix fois plus grande que celle du fer rougi, il faudrait dix fois plus de temps, c’est-à-dire 13 320 heures au lieu de 1 332. Par conséquent, on peut comparer à la comète un globe de fer qu’on aurait chauffé à un feu de forge pendant 13 320 heures pour pouvoir le rougir à blanc.

Or, on voit, par mes expériences, que la suite des temps nécessaires pour chauffer des globes dont les diamètres croissent, comme

1, 2, 3, 4, 5......... n demi-pouces,

est à très peu près

2′, 5′ 1/2, 9′, 12′ 1/2, 16′......... 7 n − 3/2 minutes.

On aura donc 7 n − 3/2 = 769 200 minutes.

D’où l’on tirera n = 228 342 demi-pouces.