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En comparant, dans les expériences précédentes, les temps employés à chauffer les globes de fer avec les temps nécessaires pour les refroidir, on verra qu’il faut environ la sixième partie et demie du temps pour les chauffer à blanc de ce qu’il en faut pour les refroidir au point de pouvoir les tenir à la main, et environ la quinzième partie et demie du temps qu’il faut pour les refroidir au point de la température actuelle[1] : en sorte qu’il y a encore une très grande correction à faire dans le texte de Newton sur l’estime qu’il fait de la chaleur que le soleil a communiquée à la comète de 1680 ; car cette comète n’ayant été exposée à la violente chaleur du soleil que pendant un petit temps, elle n’a pu la recevoir qu’en proportion de ce temps, et non pas en entier, comme Newton paraît le supposer dans le passage que je vais rapporter :

« Es calor solis ut radiorum densitas, hoc est reciprocè ut quadratum distantiæ locorum a sole. Ideòque cùm distantia cometæ à centro solis decemb. 8, ubi in perihelio versabatur, esset ad distantiam terræ à centro solis ut 6 ad 1 000 circiter, calor solis apud cometam eo tempore erat ad calorem solis æstivi apud nos ut 1 000 000 ad 36, seu 28 000 ad 1. Sed calor aquæ ebullientis est quasi triplo major quàm calor quem terra arida concipit ad æstivum solem ut expertus sum, etc. Calor ferri candentis (si rectè conjector) quasi triplò vel quadruplò major quàm calor aquæ ebullientis ; ideòque calor quem terra arida apud cometam in perihelio versantem ex radiis solaribus concipere posset, quasi 2 000 vicibus major quàm calor ferri candentis. Tanto autem calore vapores et exhalationes, omnisque materia volatilis statim consumi ac dissipari debuissent.

» Cometa igitur in perihelio suo calorem immensum ad solem concepit, et calorem illum diutissimè conservare potest. »

Je remarquerai d’abord que Newton fait ici la chaleur du fer rougi beaucoup moindre qu’elle n’est en effet, et qu’il le dit lui-même dans un Mémoire qui a pour titre Échelle de la chaleur, et qu’il a publié dans les Transactions philosophiques de 1701, c’est-à-dire plusieurs années après la publication de son Livre des Principes. On voit dans ce Mémoire, qui est excellent et qui renferme le germe de toutes les idées sur lesquelles on a depuis construit les thermomètres, on y voit, dis-je, que Newton, après des expériences très exactes, fait la chaleur de l’eau bouillante trois fois plus grande que celle du soleil d’été, celle de l’étain fondant six fois plus grande, celle du plomb fondant huit fois plus grande, celle du régule fondant douze fois plus grande, et celle d’un feu de cheminée ordinaire, seize ou dix-sept fois plus grande que celle du soleil d’été ; et de là on ne peut s’empêcher de conclure que la chaleur du fer rougi à blanc ne soit encore bien plus grande, puisqu’il faut un feu constamment animé par le soufflet pour chauffer le fer à ce point. Newton paraît lui-même le sentir et donner à entendre que cette chaleur du fer rougi paraît être sept ou huit fois plus grande que celle de l’eau bouillante ; ainsi il faut, suivant Newton lui-même, changer trois mots au passage précédent et lire : « Calor ferri candentis est quasi triplò (septuplò) vel quadruplò (octuplò) major quàm calor aquæ ebullientis ; ideòque calor apud cometam in perihelio versantem quasi 2 000 (1 000) vicibus major quàm calor ferri candentis. » Cela diminue de moitié la chaleur de cette comète, comparée à celle du fer rougi à blanc.

Mais cette diminution, qui n’est que relative, n’est rien en elle-même ni rien en comparaison de la diminution réelle et très grande qui résulte de notre première considération : il faudrait, pour que la comète eût reçu cette chaleur mille fois plus grande que

  1. Le boulet d’un pouce et celui d’un demi-pouce surtout ont été chauffés en bien moins de temps, et ne suivent point cette proportion de quinze et demi à un, et c’est par la raison qu’étant très petits et placés dans un grand feu, la chaleur les pénétrait, pour ainsi dire, tout à coup ; mais à commencer par les boulets d’un pouce et demi de diamètre, la proportion que j’établis ici se trouve assez exacte pour qu’on puisse y compter.