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chaleur en raison de leurs diamètres ; il rapporte à la vérité des expériences faites avec de l’eau dans des vases de porcelaine, par lesquelles il trouve que les temps du refroidissement de l’eau sont presque proportionnels aux diamètres des vases qui la contiennent ; mais nous venons de voir que c’est par cette raison même que dans les corps solides la chose se passe différemment, car l’eau doit être regardée comme une matière presque entièrement perméable à la chaleur, puisque c’est un fluide homogène et qu’aucunes de ses parties ne peuvent faire obstacle à la circulation de la chaleur : ainsi, quoique les expériences du docteur Martine donnent à peu près la raison du diamètre pour le refroidissement de l’eau, on ne doit en rien conclure pour le refroidissement des corps solides.

Maintenant, si l’on voulait chercher, avec Newton, combien il faudrait de temps à un globe gros comme la terre pour se refroidir, on trouverait, d’après les expériences refroidissement précédentes, qu’au lieu de cinquante mille ans qu’il assigne pour le temps du refroidissement de la terre jusqu’à la température actuelle, il faudrait déjà quarante-deux mille neuf cent soixante-quatre ans et deux cent vingt-un jours pour la refroidir seulement jusqu’au point où elle cesserait de brûler, et quatre-vingt-seize mille six cent soixante-dix ans, et cent trente-deux jours pour la refroidir à la température actuelle.

Car la suite des diamètres des globes étant
1, 2, 3, 4, 5......... N demi-pouces, celles des temps du refroidissement jusqu’à pouvoir toucher les globes sans se brûler sera :
12, 36, 30, 84, 108......... 24 N − 12 minutes ; et le diamètre de la terre étant de 2 865 lieues de 25 au degré, ou de 6 537 930 toises de 6 pieds.

En faisant la lieue de 2 282 toises.
ou de 39 227 580 pieds,
ou de 941 461 920 demi-pouces.
nous avons N = 941 461 920 demi-pouces.

Et 24 N − 12 = 22 595 086 068 minutes, c’est-à-dire quarante-deux mille neuf cent soixante-quatre ans et deux cent vingt-un jours pour le temps nécessaire au refroidissement d’un globe gros comme la terre, seulement jusqu’au point de pouvoir le toucher sans se brûler.

Et de même, la suite des temps du refroidissement jusqu’à la température actuelle sera :

39′, 93′, 147′, 201′, 255′,............ 54 N − 15′.

Et comme N est toujours = 941 461 920 demi-pouces, nous aurons 54 N − 15 = 50 838 943 662 minutes, c’est-à-dire quatre-vingt-seize mille six cent soixante-dix ans et cent trente-deux jours pour le temps nécessaire au refroidissement d’un globe gros comme la terre au point de la température actuelle.

Seulement, on pourrait croire que celui du refroidissement de la terre devrait encore être considérablement augmenté, parce que l’on imagine que le refroidissement ne s’opère que par le contact de l’air, et qu’il y a une grande différence entre le temps du refroidissement dans l’air et le temps du refroidissement dans le vide ; et comme l’on doit supposer que la terre et l’air se seraient en même temps refroidis dans le vide, on dira qu’il faut faire état de ce surplus de temps ; mais il est aisé de faire voir que cette différence est très peu considérable ; car, quoique la densité du milieu dans lequel un corps se refroidit fasse quelque chose sur la durée du refroidissement, cet effet est bien moindre qu’on ne pourra l’imaginer, puisque dans le mercure, qui est onze mille fois plus dense que l’air, il ne faut, pour refroidir les corps qu’on y plonge, qu’environ neuf fois autant de temps qu’il en faut pour produire le même refroidissement dans l’air.

La principale cause du refroidissement n’est donc pas le contact du milieu ambiant, mais la force expansive qui anime les parties de la chaleur et du feu, qui les chasse hors des corps où elles résident, et les pousse directement du centre à la circonférence.