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c’est dans la onzième question de son Traité d’optique[1] : « Les corps d’un volume, dit-il, ne conservent-ils pas plus longtemps (Nota. Ce mot plus longtemps ne peut signifier ici qu’en raison plus grande que celle du diamètre) leur chaleur parce que leurs parties s’échauffent réciproquement ? et un corps vaste, dense et fixe, étant une fois échauffé au delà d’un certain degré, ne peut-il pas jeter de la lumière en telle abondance que par l’émission et la réaction de sa lumière, par les réflexions et les réfractions de ses rayons au-dedans de ses pores, il devienne toujours plus chaud jusqu’à ce qu’il parvienne à un certain degré de chaleur qui égale la chaleur du soleil ? et le soleil et les étoiles fixes ne sont-ce pas de vastes terres violemment échauffées dont la chaleur se conserve par la grosseur de ces corps, et par l’action et la réaction réciproques entre eux et la lumière qu’ils jettent, leurs parties étant d’ailleurs empêchées de s’évaporer en fumée, non seulement par leur fixité, mais encore par le vaste poids et la grande densité des atmosphères qui, pesant de tous côtés, les compriment très fortement et condensent les vapeurs et les exhalaisons qui s’élèvent de ces corps-là ? »

Par ce passage on voit que Newton non seulement est ici de mon avis sur la durée de la chaleur, qu’il suppose en raison plus grande que celle du diamètre, mais encore qu’il renchérit beaucoup sur cette augmentation en disant qu’un grand corps, par cela même qu’il est grand, peut augmenter sa chaleur.

Quoi qu’il en soit, l’expérience a pleinement confirmé ma pensée. La durée de la chaleur, ou, si l’on veut, le temps employé au refroidissement du fer n’est point en plus petite, mais en plus grande raison que celle du diamètre ; il n’y a pour s’en assurer qu’à comparer les progressions suivantes :

Diamètres :
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10 demi-pouces.
Temps du premier refroidissement, supposés en raison du diamètre :
12′, 24′, 36′, 48′, 60′, 72′, 84′, 96′, 108′, 120′, minutes.
Temps réels de ce refroidissement, trouvés par l’expérience :
12′, 35′ 1/2, 58′, 80′, 102′, 127′, 156′, 182′, 205′, 232′.
Temps du second refroidissement, supposés en raison du diamètre :
39′, 78′, 117′, 156′, 195′, 234′, 273′, 312′, 351′, 390′.
Temps réels de ce second refroidissement, trouvés par l’expérience :
39′, 93′, 145′, 196′, 248′, 308′, 356′, 415′, 466′, 522′.

On voit, en comparant ces progressions terme à terme, que dans tous les cas la durée de la chaleur non seulement n’est pas en raison plus petite que celle du diamètre (comme il écrit dans Newton), mais qu’au contraire cette durée est en raison considérablement plus grande.

Le docteur Martine, qui a fait un bon ouvrage sur les thermomètres, rapporte ce passage de Newton, et il dit qu’il avait commencé de faire quelques expériences qu’il se proposait de pousser plus loin ; qu’il croit que l’opinion de Newton est conforme à la vérité, et que les corps semblables conservent en effet la chaleur dans la proportion de leurs diamètres ; mais que quant au doute que Newton forme, si dans les grands corps cette proportion n’est pas moindre que celle des diamètres, il ne le croit pas suffisamment fondé. Le docteur Martine avait raison à cet égard, mais en même temps il avait tort de croire, d’après Newton, que tous les corps semblables, solides ou fluides, conservent leur

  1. Traduction de Coste.