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RÉFLEXIONS SUR LA LOI DE L’ATTRACTION



Le mouvement des planètes dans leurs orbites est un mouvement composé de deux forces : la première est une force de projection, dont l’effet s’exercerait dans la tangente de l’orbite si l’effet continu de la seconde cessait un instant ; cette seconde force tend vers le soleil, et par son effet précipiterait les planètes vers le soleil, si la première force venait à son tour à cesser un seul instant.

La première de ces forces peut être regardée comme une impulsion, dont l’effet est uniforme et constant, et qui a été communiquée aux planètes dès la formation du système planétaire ; la seconde peut être considérée comme une attraction vers le soleil, et se doit mesurer comme toutes les qualités qui partent d’un centre, par la raison inverse du carré de la distance, comme en effet on mesure les quantités de lumière, d’odeur, etc., et toutes les autres quantités ou qualités qui se propagent en ligne droite, et se rapportent à un centre. Or, il est certain que l’attraction se propage, en ligne droite, puisqu’il n’y a rien de plus droit qu’un fil à plomb, et que, tombant perpendiculairement à la surface de la terre, il tend directement au centre de la force, et ne s’éloigne que très peu de la direction du rayon au centre. Donc on peut dire que la loi de l’attraction doit être la raison inverse du carré de la distance, uniquement parce qu’elle part d’un centre ou qu’elle y tend, ce qui revient au même.

Mais, comme ce raisonnement préliminaire, quelque bien fondé que je le croie, pourrait être contredit par les gens qui font peu de cas de la force des analogies, et qui ne sont accoutumés à se rendre qu’à des démonstrations mathématiques, Newton a cru qu’il valait beaucoup mieux établir la loi de l’attraction par les phénomènes mêmes que par toute autre voie, et il a, en effet, démontré géométriquement que, si plusieurs corps se meuvent dans des cercles concentriques, et que les carrés des temps de leurs révolutions soient comme les cubes de leurs distances à leur centre commun, les forces centripètes de ces corps sont réciproquement comme les carrés des distances, pourvu que les apsides de ces orbites soient immobiles. Ainsi, les forces par lesquelles les planètes tendent aux centres ou aux foyers de leurs orbites suivent en effet la loi du carré de la distance, et je ne crois pas que personne doute de la loi de Képler, et qu’on puisse nier que cela ne soit ainsi pour Mercure, pour Vénus, pour la terre, pour Mars, pour Jupiter et pour Saturne, surtout en les considérant à part et comme ne pouvant se troubler les uns et les autres, et en ne faisant attention qu’à leur mouvement autour du soleil.

Toutes les fois donc qu’on ne considérera qu’une planète ou qu’un satellite se mouvant dans son orbite autour du soleil ou d’une autre planète, ou qu’on n’aura que deux corps tous deux en mouvement, ou dont l’un est en repos et l’autre en mouvement, on pourra assurer que la loi de l’attraction suit exactement la raison inverse du carré de la distance, puisque par toutes les observations la loi de Képler se trouve vraie, tant pour les planètes principales que pour les satellites de Jupiter et de Saturne. Cependant on pourrait dès ici faire une objection tirée des mouvements de la lune, qui sont irréguliers au point que M. Halley l’appelle sidus contumax, et principalement du mouvement de ses apsides, qui