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tagnes, qui étaient les parties les plus exposées à l’action des causes extérieures, une infinité de fusions, de sublimations, d’agrégations et de transformations de toute espèce par le feu de la terre, combiné avec la chaleur du soleil, et toutes les autres causes que cette grande chaleur rendait plus actives qu’elles ne le sont aujourd’hui ; que, par conséquent, on doit rapporter à cette date la formation des métaux et des minéraux que nous trouvons en grandes masses et en filons épais et continus. Le feu violent de la terre embrasée, après avoir élevé et réduit en vapeurs tout ce qui était volatil, après avoir chassé de son intérieur les matières qui composent l’atmosphère et les mers, a dû sublimer en même temps toutes les parties les moins fixes de la terre, les élever et les déposer dans tous les espaces vides, dans toutes les fentes qui se formaient à la surface à mesure qu’elle se refroidissait. Voilà l’origine et la gradation du gisement et de la formation des matières vitrifiables, qui toutes forment le noyau des plus grandes montagnes et renferment dans leurs fentes toutes les mines des métaux et des autres matières que le feu a pu diviser, fondre et sublimer. Après ce premier établissement encore subsistant des matières vitrifiables et des minéraux en grande masse qu’on ne peut attribuer qu’à l’action du feu, l’eau, qui jusqu’alors ne formait avec l’air qu’un vaste volume de vapeurs, commença de prendre son état actuel dès que la superficie du globe fut assez refroidie pour ne la plus repousser et dissiper en vapeurs ; elle se rassembla donc et couvrit la plus grande partie de la surface terrestre, sur laquelle se trouvant agitée par le mouvement continuel de flux et de reflux, par l’action des vents, par celle de la chaleur, elle commença d’agir sur les ouvrages du feu, elle altéra peu à peu la superficie des matières vitrifiables, elle en transporta les débris, les déposa en forme de sédiments ; elle put nourrir les animaux à coquilles, elle ramassa leurs dépouilles, produisit les pierres calcaires, en forma des collines et des montagnes, qui, se desséchant ensuite, reçurent dans leurs fentes toutes les matières minérales qu’elle pouvait dissoudre ou charrier.

Pour établir une théorie générale sur la formation des minéraux, il faut donc commencer par distinguer avec la plus grande attention : 1o ceux qui ont été produits par le feu primitif de la terre, lorsqu’elle était encore brûlante de chaleur ; 2o ceux qui ont été formés du détriment des premiers par le moyen de l’eau, et 3o ceux qui, dans les volcans ou dans d’autres incendies postérieurs au feu primitif, ont une seconde fois subi l’épreuve d’une violente chaleur. Ces trois objets sont très distincts et comprennent tout le règne minéral ; en ne le perdant pas de vue et y rapportant chaque substance minérale, on ne pourra guère se tromper sur son origine et même sur les degrés de sa formation. Toutes les mines que l’on trouve en masses ou gros filons dans nos hautes montagnes doivent se rapporter à la sublimation du feu primitif ; toutes celles, au contraire, que l’on trouve en petites ramifications, en filets, en végétations, n’ont été formées que du détriment des premières, entraîné par la stillation des eaux. On le voit évidemment en comparant, par exemple, la matière des mines de fer de Suède avec celle de nos mines de fer en grains ; celles-ci sont l’ouvrage immédiat de l’eau, et nous les voyons se former sous nos yeux, elles ne sont point attirables par l’aimant, elles ne contiennent point de soufre, et ne se trouvent que dispersées dans les terres ; les autres sont toutes plus ou moins sulfureuses, toutes attirables par l’aimant, ce qui seul suppose qu’elles ont subi l’action du feu ; elles sont disposées en grandes masses dures et solides, leur substance est mêlée d’une grande quantité d’asbeste, autre indice de l’action du feu. Il en est de même des autres métaux ; leur ancien fond vient du feu, et toutes leurs grandes masses ont été réunies par son action, mais toutes leurs cristallisations, végétations, granulations, etc., sont dues à des causes secondaires où l’eau a la plus grande part. Je borne ici mes réflexions sur la conversion des éléments, parce que ce serait anticiper sur celles qu’exige en particulier chaque substance minérale, et qu’elles seront mieux placées dans les articles de l’histoire naturelle des minéraux.