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transparent du diamant a ébloui les yeux de nos chimistes lorsqu’ils ont donné cette pierre pour la terre élémentaire et pure ; on pourrait dire avec autant et aussi peu de fondement que c’est au contraire de l’eau pure, dont toutes les parties se sont fixées pour composer une substance solide diaphane comme elle. Ces idées n’auraient pas été mises en avant, si l’on eût pensé que l’élément terreux n’a pas plus le privilège de la simplicité absolue que les autres éléments ; que même, comme il est le plus fixe de tous, et par conséquent le plus constamment passif, il reçoit comme base toutes les impressions des autres ; il les attire, les admet dans son sein, s’unit, s’incorpore avec eux, les suit et se laisse entraîner par leur mouvement, et par conséquent il n’est ni plus simple ni moins convertible que les autres. Ce ne sont jamais que les grandes masses qu’il faut considérer lorsqu’on veut définir la nature : les quatre éléments ont été bien saisis par les philosophes, même les plus anciens ; le soleil, l’atmosphère, la mer et la terre sont les grandes masses, sur lesquelles ils les ont établis ; s’il existait un astre de phlogistique, une atmosphère d’alcali, un océan d’acide et des montagnes de diamant, on pourrait alors les regarder comme les principes généraux et réels de tous les corps, mais ce ne sont, au contraire, que des substances particulières, produites comme toutes les autres, par la combinaison des véritables éléments.

Dans la grande masse de matière solide qui nous représente l’élément de la terre, la couche superficielle est la terre la moins pure ; toutes les matières déposées par la mer en forme de sédiments, toutes les pierres produites par les animaux à coquille, toutes les substances composées par la combinaison des détriments du règne animal et végétal ; toutes celles qui ont été altérées par le feu des volcans ou sublimées par la chaleur intérieure du globe, sont des substances mixtes et transformées ; et quoiqu’elles composent de très grandes masses, elles ne nous représentent pas assez purement l’élément de la terre : ce sont les matières vitrifiables, dont la masse est mille et cent mille fois plus considérable que celle de toutes ces autres substances, qui doivent être regardées comme le vrai fond de cet élément ; ce sont en même temps celles qui sont composées de la terre la plus fixe, celles qui sont les plus anciennes, et cependant les moins altérées : c’est de ce fond commun dont toutes ces autres substances ont tiré la base de leur solidité ; car toute matière fixe, décomposée autant qu’elle peut l’être, se réduit ultérieurement en verre par la seule action du feu ; elle reprend sa première nature lorsqu’on la dégage des matières fluides ou volatiles qui s’y étaient unies, et ce verre ou matière vitrée qui compose la masse de notre globe représente d’autant mieux l’élément de la terre, qu’il n’a ni couleur, ni odeur, ni saveur, ni liquidité, ni fluidité, qualités qui toutes proviennent des autres éléments ou leur appartiennent.

Si le verre n’est pas précisément l’élément de la terre, il en est au moins la substance la plus ancienne ; les métaux sont plus récents et moins nobles ; la plupart des autres minéraux se forment sous nos yeux ; la nature ne produit plus de verre que dans les foyers particuliers de ses volcans, tandis que tous les jours elle forme d’autres substances par la combinaison du verre avec les autres éléments. Si nous voulons nous former une idée juste de ses procédés dans la formation des minéraux, il faut d’abord remonter à l’origine de la formation du globe, qui nous démontre qu’il a été fondu, liquéfié par le feu ; considérer ensuite que de ce degré immense de chaleur il a passé successivement au degré de sa chaleur actuelle ; que, dans les premiers moments où sa surface a commencé de prendre de la consistance, il a dû s’y former des inégalités, telles que nous en voyons sur la surface des matières fondues et refroidies ; que les plus hautes montagnes, toutes composées de matières vitrifiables, existent et datent de ce moment, qui est aussi celui de la séparation des grandes masses de l’air, de l’eau et de la terre : qu’ensuite, pendant le long espace de temps que suppose le refroidissement ou, si l’on veut, la diminution de la chaleur du globe au point de la température actuelle, il s’est fait dans ces mêmes mon-