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et transforment non seulement l’air et l’eau, mais le feu en plus grande quantité que les végétaux ; il me paraît donc que les fonctions des corps organisés sont l’un des plus puissants moyens que la nature emploie pour la conversion des éléments. On peut regarder chaque animal ou chaque végétal comme un petit centre particulier de chaleur ou de feu qui s’approprie l’air et l’eau qui l’environnent, se les assimile pour végéter ou pour se nourrir et vivre des productions de la terre, qui ne sont elles-mêmes que de l’air et de l’eau précédemment fixés ; il s’approprie en même temps une petite quantité de terre, et recevant les impressions de la lumière et celles de la chaleur du soleil et du globe terrestre, il tourne en sa substance tous ces différents éléments, les travaille, les combine, les réunit, les oppose, jusqu’à ce qu’ils aient subi la forme nécessaire à son développement, c’est-à-dire à l’entretien de la vie et de l’accroissement de l’organisation, dont le moule, une fois donné, modèle toute la matière qu’il admet, et de brute qu’elle était la rend organisée.

L’eau qui s’unit si volontiers avec l’air, et qui entre en si grande quantité dans les corps organisés, s’unit aussi de préférence avec quelques matières solides, telles que les sels, et c’est souvent par leur moyen qu’elle entre dans la composition des minéraux. Le sel, au premier coup d’œil, ne paraît être qu’une terre dissoluble dans l’eau et d’une saveur piquante ; mais les chimistes, en recherchant sa nature, ont très bien reconnu qu’elle consiste principalement dans la réunion de ce qu’ils nomment le principe terreux et le principe aqueux[NdÉ 1] ; l’expérience de l’acide nitreux, qui ne laisse après sa combustion qu’un peu de terre et d’eau, leur a même fait penser que ce sel et peut-être tous les autres sels n’étaient absolument composés que de ces deux éléments : néanmoins, il me paraît qu’on peut démontrer aisément que l’air et le feu entrent dans leur composition, puisque le nitre produit une grande quantité d’air dans la combustion, et que cet air fixe suppose du feu fixe qui s’en dégage en même temps ; que d’ailleurs toutes les explications qu’on donne de la dissolution ne peuvent se soutenir à moins qu’elles n’admettent deux forces opposées, l’une attractive et l’autre expansive, et par conséquent la présence des éléments de l’air et du feu, qui sont seuls doués de cette seconde force ; qu’enfin ce serait contre toute analogie que le sel ne se trouverait composé que de deux éléments de la terre et de l’eau, tandis que toutes les autres substances sont composées des quatre éléments. Ainsi l’on ne doit pas prendre à la rigueur ce que les grands chimistes, MM. Stahl et Macquer, ont dit à ce sujet ; les expériences de M. Hales démontrent que le vitriol et le sel marin contiennent beaucoup plus et jusqu’à concurrence du huitième de son poids, et le sel de tartre encore plus. On peut donc assurer que l’air entre comme principe dans la composition de tous les sels, et que comme il ne peut se fixer dans aucune substance qu’à l’aide de la chaleur ou du feu qui se fixent en même temps, il doit être compté au nombre de leurs parties constitutives. Mais cela n’empêche pas que le sel ne doive aussi être regardé comme la substance moyenne entre la terre et l’eau : ces deux éléments entrent en proportion différente dans les différents sels ou substances salines dont la variété et le nombre sont si grands qu’on ne peut en faire l’énumération, mais qui, présentées généralement sous les dénominations

    sa solution. On sait aujourd’hui que les végétaux verts décomposent, sous l’influence de la lumière solaire, l’acide carbonique de l’atmosphère et combinent son carbone avec l’eau puisée dans le sol et l’azote des azotates minéraux qu’elle tient en dissolution, pour former toutes les substances qui entrent dans la constitution des végétaux. Celles-ci sont ensuite mangées par les animaux qui leur font subir de nouvelles transformations ; puis, quand le végétal et l’animal se décomposent après leur mort, les principes complexes qui entraient dans la constitution de leurs cellules et de leurs tissus retournent à l’état d’acide carbonique, d’eau et d’azotates minéraux sous laquelle ils avait été primitivement absorbés par les végétaux. (Pour plus de détails, voyez mon Introduction.)

  1. Il me paraît inutile de mettre en relief les erreurs qui foisonnent dans toute la fin de ce mémoire.