Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le moyen de la combustion. La plupart des minéraux métalliques et même des métaux obtiennent une assez grande quantité de parties combustibles ; le zinc, l’antimoine, le fer, le cuivre, etc., brûlent et produisent une flamme évidente et très vive tant que dure la combustion de ces parties inflammables qu’ils contiennent[NdÉ 1]. Après quoi, si on continue le feu, la combustion finie, commence la calcination, pendant laquelle il rentre dans ces matières de nouvelles parties d’air et de chaleur qui s’y fixent, et qu’on ne peut en dégager qu’en leur présentant quelque matière combustible avec laquelle ces parties d’air et de chaleur fixes ont plus d’affinité qu’avec celles du minéral, auxquelles en effet elles ne unies que par force, c’est-à-dire par l’effort de la calcination. Il me semble que la conversion des substances métalliques en chaux et leur réduction pourront maintenant être très clairement entendues sans qu’il soit besoin de recourir à des principes secondaires ou à des hypothèses arbitraires pour leur explication[NdÉ 2]. La réduction, comme je l’ai déjà insinué, n’est dans le réel qu’une seconde combustion par laquelle on dégage les parties d’air et de chaleur fixes que la calcination avait forcées d’entrer dans le métal et de s’unir à sa substance fixe, à laquelle ont rend en même temps les parties volatiles et combustibles que la première action du feu lui avait enlevées.

Après avoir présenté le grand rôle que l’air fixe joue dans les opérations les plus secrètes de la nature, considérons-le pendant quelques instants lorsque, sous la forme élastique, il réside dans les corps : ses effets sont alors aussi variables que les degrés de son élasticité ; son action, quoique toujours la même, semble donner des produits différents dans les substances différentes. Pour en ramener la considération à un point de vue général, nous le comparerons avec l’eau et la terre, comme nous l’avons déjà comparé avec le feu ; les résultats de cette comparaison entre les quatre éléments s’appliqueront ensuite aisément à toutes les substances de quelque nature qu’elles puissent être, puisque toutes ne sont composées que de ces quatre principes réels.

Le plus grand froid connu ne peut détruire le ressort de l’air, et la moindre chaleur suffit pour cet effet, surtout lorsque ce fluide est divisé en parties très petites. Mais il faut observer qu’entre son état de fixité et celui de sa pleine élasticité, il y a toutes les nuances des états moyens, et que c’est presque toujours dans quelques-uns de ces états moyens qu’il réside dans la terre et dans l’eau, ainsi que dans toutes les substances qui en sont composées : par exemple, on ne pourra pas douter que l’eau, qui nous paraît une substance si simple, ne contienne une certaine quantité d’air qui n’est ni fixe ni élastique[NdÉ 3], mais entre la fixité et l’élasticité, si l’on fait attention aux différents phénomènes qu’elle nous présente dans sa congélation, dans son ébullition, dans sa résistance à toute compression, etc., car la physique expérimentale nous démontre que l’eau est incompressible : au lieu de s’affaisser et de rentrer en elle-même lorsqu’on la force par la presse, elle passe à travers les vaisseaux les plus solides et les plus épais[NdÉ 4]. Or, si l’air qu’elle contient en assez grande quantité y était dans son état de pleine élasticité, l’eau serait compressible en raison de cette quantité d’air élastique qu’elle contient et qui se comprimerait : donc l’air contenu dans l’eau n’y est pas simplement mêlé et n’y conserve pas sa forme élastique, mais y est plus intimement uni dans un état où son ressort ne s’exerce plus d’une manière sensible ; et néanmoins ce ressort n’y est pas entièrement détruit, car,

  1. Ces corps brûlent parce qu’ils s’oxydent ; ils ne contiennent pas des parties combustibles ; ils sont eux-mêmes combustibles, c’est-à-dire oxydables.
  2. La « conversion des substances métalliques en chaux » est une oxydation de ces substances.
  3. L’eau pure ne contient pas d’air ; elle n’est pas non plus aussi simple que le pensaient Buffon et ses contemporains ; elle est formée par la combinaison de deux corps : l’hydrogène et l’oxygène.
  4. L’eau est peu compressible, mais elle n’est pas totalement incompressible.