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chaleur douce, c’est-à-dire par ces mêmes éléments combinés dans toutes les substances que le soleil[1] éclaire et vivifie, ou dans celles que la chaleur intérieure de la terre fomente et réunit.

C’est cette chaleur intérieure du globe de la terre que l’on doit regarder comme le vrai feu élémentaire, et il faut le distinguer de celui du soleil qui ne nous parvient qu’avec la lumière ; tandis que l’autre, quoique bien plus considérable, n’est ordinairement que sous la forme d’une chaleur obscure, et que ce n’est que dans quelques circonstances, comme celles de l’électricité, qu’il prend de la lumière. Nous avons déjà dit que cette chaleur, observée pendant un grand nombre d’années de suite, est trois ou quatre cents fois plus grande en hiver, et vingt-neuf fois plus grande en été dans notre climat que la chaleur qui nous vient du soleil pendant le même temps : c’est une vérité qui peut paraître singulière, mais qui n’en est pas moins évidemment démontrée[2][NdÉ 1]. Comme nous en avons parlé disertement, nous nous contenterons de remarquer ici que cette chaleur constante, et toujours subsistante, entre comme élément dans toutes les combinaisons des autres éléments, et qu’elle est plus que suffisante pour produire sur l’air les mêmes effets que le feu actuel ou la chaleur animale ; que par conséquent cette chaleur intérieure de la terre détruira l’élasticité de l’air, et le fixera toutes les fois qu’étant divisé en parties très petites, il se trouvera saisi par cette chaleur dans le sein de la terre ; que sous cette nouvelle forme il entrera comme partie fixe dans un grand nombre de substances, lesquelles contiendront dès lors des particules d’air fixe et de chaleur fixe qui sont les premiers principes de la combustibilité. Mais ils se trouveront en plus ou moins grande quantité dans les différentes substances, selon le degré d’affinité qu’ils auront avec elles ; et ce degré dépendra beaucoup de la quantité que ces substances contiendront de parties animales et végétales qui paraissent être la base de toute matière combustible : si elle y sont abondamment répandues ou faiblement incorporées, on pourra toujours les dégager de ces substances par

  1. Voici une observation qui semble démontrer que la lumière a plus d’affinité avec les substances combustibles qu’avec toutes les autres matières. On sait que la puissance réfractive des corps transparents est proportionnelle à leur densité ; le verre, plus dense que l’eau, a proportionnellement une plus grande force réfringente, et en augmentant la densité du verre et de l’eau, l’on augmente à mesure leur force de réfraction. Cette proportion s’observe dans toutes les matières transparentes, et qui sont en même temps incombustibles. Mais les matières inflammables, telles que l’esprit-de-vin, les huiles transparentes, l’ambre, etc., ont une puissance réfringente plus grande que les autres ; en sorte que l’attraction que ces matières exercent sur la lumière, et qui provient de leur masse ou densité, est considérablement augmentée par l’affinité particulière qu’elles ont avec la lumière. Si cela n’était pas, leur force réfringente serait, comme celle de toutes les autres matières, proportionnelle à leur densité ; mais les matières inflammables attirent plus puissamment la lumière, et ce n’est que par cette raison qu’elles ont plus de puissance réfractive que les autres. Le diamant même ne fait pas une exception à cette loi ; on doit le mettre au nombre des matières combustibles, on le brûle au miroir ardent ; il a avec la lumière autant d’affinité que les matières inflammables, car sa puissance réfringente est plus grande qu’elle ne devrait l’être à proportion de sa densité. Il a en même temps la propriété de s’imbiber de la lumière et de la conserver assez longtemps ; les phénomènes de sa réfraction doivent tenir en partie à ces propriétés.
  2. Voyez le Mémoire de M. de Mairan, dans ceux de l’Académie royale des sciences, année 1765, p. 143.

    la combustion. Il avait bien compris que l’air est nécessaire à la combustion ; il avait aussi saisi l’analogie qui existe entre la calcination, la combustion et la chaleur animale, mais il n’était pas allé plus loin.

  1. C’est tout le contraire qui est démontré. La chaleur intérieure du globe n’agit presque pas à la surface du globe, tandis que celle-ci est échauffée par la chaleur du soleil.