Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/52

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absolument les mêmes ; la respiration d’un petit animal absorbe autant d’air que la lumière d’une chandelle ; dans des vaisseaux fermés, de capacités égales, l’animal meurt en même temps que la chandelle s’éteint ; rien ne peut démontrer plus évidemment que le feu de l’animal et celui de la chandelle ou de toute autre matière combustible allumée, sont des feux non seulement du même ordre, mais d’une seule et même nature, auxquels le secours de l’air est également nécessaire, et qui tous deux se l’approprient de la même manière, l’absorbent comme aliment, l’entraînent dans leur route ou le déposent sous une forme fixe dans les substances qu’ils pénètrent[NdÉ 1].

    avait un incendie. L’air était calme, et comme le vent ne dissipait pas la fumée, elle enveloppait les bâtiments et les dérobait à ma vue ; elle durait déjà depuis vingt-six heures. J’allai à mes fourneaux, je trouvai que le feu qui n’était allumé qu’à la partie du bas, n’avait pas augmenté, qu’il se soutenait au même degré, mais la fumée qui avait donné de l’humidité dans les six premières heures, était devenue plus sèche, et paraissait néanmoins tout aussi noire. Le tuyau d’aspiration ne pompait pas davantage, il était seulement un peu plus chaud, et la fumée ne formait plus de gouttes sur sa surface extérieure ; la cavité des fourneaux, qui avait 14 pieds de hauteur, se trouva vide au bout des vingt-six heures, d’environ 3 pieds ; je les fis remplir, l’un avec 50, et l’autre avec 75 livres de charbon, et je fis remettre tout de suite le tuyau d’aspiration qu’on avait été obligé d’enlever pour charger. Cette augmentation d’aliment n’augmenta pas le feu ni même la fumée, elle ne changea rien à l’état précédent ; j’observai le tout pendant huit heures de suite, m’attendant à tout instant à voir paraître la flamme, et ne concevant pas pourquoi cette fumée d’un charbon si sec, et si sèche elle-même qu’elle ne déposait pas la moindre humidité, ne s’enflammait pas d’elle-même, après trente-quatre heures de feu toujours subsistant au bas des fourneaux. Je les abandonnai donc une seconde fois dans cet état, et donnai ordre de n’y pas toucher. Le jour suivant, douze heures après les trente-quatre, je trouvai le même brouillard épais, la même fumée noire couvrant mes bâtiments ; et ayant visité mes fourneaux, je vis que le feu d’en bas était toujours le même, la fumée la même et sans aucune humidité, et que la cavité des fourneaux était vide de 3 pieds 2 pouces dans le plus petit, et de 2 pieds 9 pouces seulement dans le plus grand, auquel était adapté le tuyau d’aspiration ; je le remplis avec 66 livres de charbon, et l’autre avec 54, et je résolus d’attendre aussi longtemps qu’il serait nécessaire pour savoir si cette fumée ne viendrait pas enfin à s’enflammer ; je passai neuf heures à l’examiner de temps à autre ; elle était très sèche, très suffocante, très sensiblement chaude, mais toujours noire et sans flamme au bout de cinquante-cinq heures. Dans cet état, je la laissai pour la troisième fois. Le jour suivant, treize heures après les cinquante-cinq, je la retrouvai encore de même, le charbon de mes fourneaux baissé de même ; et comme je réfléchissais sur cette consommation de charbon sans flamme, qui était d’environ moitié de la consommation qui s’en fait dans le même temps et dans les mêmes fourneaux, lorsqu’il y a de la flamme, je commençai à croire que je pourrais bien user beaucoup de charbon, sans avoir de flamme, puisque depuis trois jours on avait chargé trois fois les fourneaux (car j’oubliais de dire que ce jour même on venait de remplir la cavité vide du grand fourneau, avec 80 livres de charbon, et celle du petit avec 60 livres) ; je les laissai néanmoins fumer encore plus de cinq heures. Après avoir perdu l’espérance de voir cette fumée s’enflammer d’elle-même, je la vis tout d’un coup prendre feu, et faire une espèce d’explosion dans l’instant même qu’on lui présenta la flamme légère d’une poignée de pallie ; le tourbillon entier de la fumée s’enflamma jusqu’à 8 à 10 pieds de distance et autant de hauteur ; la flamme pénétra la masse du charbon, et descendit dans le même moment jusqu’au bas du fourneau, et continua de brûler à la manière ordinaire ; le charbon se consommait une fois plus vite, quoique le feu d’en bas ne parût guère plus animé ; mais je suis convaincu que mes fourneaux auraient éternellement fumé, si l’on n’eût pas allumé la fumée ; et rien ne me prouva mieux que la flamme n’est que de la fumée qui brûle, et que la communication du feu ne peut se faire que par la flamme.

  1. L’oxygène de l’air se fixe, dans les animaux supérieurs, sur les globules sanguins en s’y combinant avec l’hémoglobine pour former de l’oxyhémoglobine ; la circulation entraîne