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les lois et les degrés de leurs affinités, déterminer les formes qu’elles prendront en se réunissant, etc.[NdÉ 1] Je crois de même avoir fait entendre comment l’impulsion dépend de l’attraction, et que, quoiqu’on puisse la considérer comme une force différente, elle n’est néanmoins qu’un effet particulier de cette force unique et générale. J’ai présenté la communication du mouvement comme impossible autrement que par le ressort ; d’où j’ai conclu que tous les corps de la nature sont plus ou moins élastiques, et qu’il n’y en a aucun qui soit parfaitement dur, c’est-à-dire entièrement privé de ressort, puisque tous sont susceptibles de recevoir du mouvement. J’ai tâché de faire connaître comment cette force unique pouvait changer de direction, et d’attractive devenir tout à coup répulsive. Et de ces grands principes, qui tous sont fondés sur la mécanique rationnelle, j’ai essayé de déduire les principales opérations de la nature, telle que la production de la lumière, de la chaleur, du feu et de leur action sur les différentes substances : ce dernier objet, qui nous intéresse le plus, est un champ vaste, dont le défrichement suppose plus d’un siècle, et dont je n’ai pu cultiver qu’un espace médiocre, en remettant à des mains plus habiles ou plus laborieuses les instruments dont je me suis servi. Ces instruments sont les trois moyens d’employer le feu par sa vitesse, par son volume et par sa masse, en l’appliquant concurremment aux trois classes des substances, qui toutes, ou perdent ou gagnent, ou ne perdent ni ne gagnent par l’application du feu. Les expériences que j’ai faites sur le refroidissement des corps, sur la pesanteur réelle du feu, sur la nature de la flamme, sur le progrès de la chaleur, sur sa communication, sa déperdition, sa concentration, sur sa violente action sans flamme, etc., sont encore autant d’instruments qui épargneront beaucoup de travail à ceux qui voudront s’en servir, et produiront une très ample moisson de connaissances utiles.



SECONDE PARTIE

DE L’AIR, DE L’EAU ET DE LA TERRE

Nous avons vu que l’air est l’adminicule nécessaire et le premier aliment du feu[NdÉ 2], qui ne peut ni subsister, ni se propager, ni s’augmenter, qu’autant qu’il se l’assimile, le consomme ou l’emporte ; tandis que de toutes les substances matérielles, l’air est au contraire celle qui paraît exister le plus indépendamment et subsister le plus aisément, le plus constamment, sans le secours ou la présence du feu ; car, quoiqu’il ait habituellement la même chaleur à peu près que les autres matières à la surface de la terre, il pourrait s’en passer, et il lui en faut infiniment moins qu’à toute autre pour entretenir sa fluidité, puisque les froids les plus excessifs, soit naturels, soit artificiels, ne lui font rien perdre de sa nature ; que les condensations les plus fortes ne sont pas capables de

  1. On voit de quel admirable génie de synthèse Buffon était doué. Ses efforts sont constamment dirigés vers la simplification des théories et la réduction des forces.
  2. Buffon revient ici sur le rôle joué par l’air dans les phénomènes caloriques. Il avait parfaitement saisi la nécessité de son intervention dans ces phénomènes, et il est le premier qui ait réuni la calcination, la combustion et la chaleur animale dans la même classe de phénomènes. Mais on ne connaissait à son époque ni la composition de l’air lui-même, ni celle de la plupart des corps avec lesquels son oxygène se combine pour produire de la chaleur, et le Mémoire de Buffon se ressent de son ignorance au point de n’avoir qu’un intérêt purement historique.