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des substances qui éprouveront au feu combustion et calcination en degré presque égal : d’où nous pouvons conclure, sans craindre de nous tromper, que toute calcination est toujours accompagnée d’un peu de combustion, et que de même toute combustion est accompagnée d’un peu de calcination. Les cendres et autres résidus des matières les plus combustibles ne démontrent-ils pas que le feu a calciné toutes les parties qu’il n’a pas brûlées, et que par conséquent un peu de calcination se trouve ici avec beaucoup de combustion ? La petite flamme qui s’élève de la plupart des matières qu’on calcine, ne démontre-t-elle pas de même qu’il s’y fait un peu de combustion ? Ainsi nous ne devons pas séparer ces deux effets si nous voulons bien saisir les résultats de l’action du feu sur les différentes substances auxquelles on l’applique.

Mais, dira-t-on, la combustion détruit les corps ou du moins en diminue toujours le volume ou la masse en raison de la quantité de matière qu’elle enlève ou consume ; la calcination fait souvent le contraire, et augmente la pesanteur d’un grand nombre de matières ; doit-on dès lors considérer ces deux effets, dont les résultats sont si contraires, comme des effets du même ordre ? L’objection paraît fondée et mérite réponse, d’autant que c’est ici le point le plus difficile de la question. Je crois néanmoins pouvoir y satisfaire pleinement. Considérons pour cela une matière dans laquelle nous supposerons moitié de parties fixes et moitié de parties volatiles ou combustibles ; il arrivera, par l’application du feu, que toutes ces parties volatiles ou combustibles seront enlevées ou brûlées, et par conséquent séparées de la masse totale ; dès lors cette masse ou quantité de matière se trouvera diminuée de moitié, comme nous le voyons dans les pierres calcaires qui perdent au feu près de la moitié de leur poids. Mais si l’on continue à appliquer le feu pendant un très long temps à cette moitié toute composée de parties fixes, n’est-il pas facile de concevoir que toute combustion, toute volatilisation étant cessées, cette matière, au lieu de continuer à perdre de sa masse, doit au contraire en acquérir aux dépens de l’air et du feu dont on ne cesse de la pénétrer : et celles qui, comme le plomb, ne perdent rien, mais gagnent par l’application du feu, sont des matières déjà calcinées, préparées par la nature au degré où la combustion a cessé, et susceptibles par conséquent d’augmenter de pesanteur dès les premiers instants de l’application du feu ? Nous avons vu que la lumière s’amortit et s’éteint à la surface de tous les corps qui ne la réfléchissent pas ; nous avons vu que la chaleur par sa longue résidence, se fixe en partie dans les matières qu’elle pénètre ; nous savons que l’air presque aussi nécessaire à la calcination qu’à la combustion, et toujours d’autant plus nécessaire à la calcination que les matières ont plus de fixité, se fixe lui-même dans l’intérieur des corps et en devient partie constituante ; dès lors n’est-il pas très naturel de penser que cette augmentation de pesanteur ne vient que de l’addition des particules de lumière, de chaleur et d’air qui se sont enfin fixées et unies à une matière, contre laquelle elles ont fait tant d’efforts sans pouvoir ni l’enlever ni la brûler[NdÉ 1] ? Cela est si vrai, que, quand on leur présente ensuite une substance combustible avec laquelle elles ont bien plus d’analogie ou plutôt de conformité de nature, elles s’en saisissent avidement, quittent la matière fixe à laquelle elles n’étaient, pour ainsi dire, attachées que par force, reprennent par conséquent leur mouvement naturel, leur élasticité, leur volatilité, et partent toutes avec la matière combustible à laquelle elles viennent de se joindre. Dès lors le métal ou la matière calcinée, à laquelle vous avez rendu ces parties volatiles qu’elle avait perdues par sa combustion, reprend sa première forme, et sa pesanteur se trouve diminuée de toute la quantité des particules de feu et d’air qui s’étaient fixées, et qui viennent d’être enlevées par cette nouvelle combustion. Tout cela s’opère par la seule loi des affinités ; et

  1. Ni la lumière, ni la chaleur ne se fixent dans les corps en combustion, puisqu’elles ne sont que des mouvements, mais l’oxygène de l’air se combine avec ces corps, d’où leur augmentation de poids.