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font pas moins de la chaux comme les autres lorsqu’on leur applique le degré de feu nécessaire à cette opération.

Ces pierres devenues dures par la longue chaleur qu’elles ont éprouvée, deviennent en même temps spécifiquement plus pesantes[1] ; de là, j’ai cru devoir tirer une induction qui prouve et même confirme pleinement que la chaleur, quoique en apparence toujours fugitive, et jamais stable dans les corps qu’elle pénètre, et dont elle semble constamment s’efforcer de sortir, y dépose néanmoins d’une manière très stable beaucoup de parties qui s’y fixent et remplacent en quantité, même plus grande, les parties aqueuses et autres qu’elle en a chassées. Mais ce qui paraît contraire ou du moins très difficile à concilier ici, c’est que cette même pierre calcaire qui devient spécifiquement plus pesante par l’action d’une chaleur modérée, longtemps continuée, devient tout à coup plus légère de près d’une moitié de son poids dès qu’on la soumet au grand feu nécessaire à sa calcination[NdÉ 1], et qu’elle perd en même temps non seulement toute la dureté qu’elle avait acquise par l’action de la simple chaleur, mais même sa dureté naturelle, c’est-à-dire la cohérence de ses parties constituantes ; effet singulier dont je renvoie l’explication à l’article suivant où je traiterai de l’air, de l’eau et de la terre ; parce qu’il me paraît tenir encore plus à la nature de ces trois éléments qu’à celle de l’élément du feu.

Mais c’est ici le lieu de parler de la calcination prise généralement, elle est pour les corps fixes et incombustibles ce qu’est la combustion pour les matières volatiles et inflammables ; la calcination a besoin, comme la combustion, du secours de l’air ; elle s’opère d’autant plus vite qu’on lui fournit une plus grande quantité d’air, sans cela le feu le plus violent ne peut rien calciner, rien enflammer que les matières qui contiennent en elles-mêmes, et qui fournissent à mesure qu’elles brûlent ou se calcinent tout l’air à la combustion ou à la calcination des substances avec lesquelles ont le mêle. Cette nécessité du concours de l’air dans la calcination comme dans la combustion, indique qu’il y a plus de choses communes entre elles qu’on ne l’a soupçonné[NdÉ 2]. L’application du feu est le principe de toutes deux, celle de l’air en est la cause seconde et presque aussi nécessaire que la première ; mais ces deux causes se combinent inégalement, selon qu’elles agissent en plus ou moins de temps, avec plus ou moins de force sur des substances différentes ; il faut pour en raisonner juste se rappeler les effets de la calcination, et les comparer entre eux et avec ceux de la combustion.

La combustion s’opère promptement et quelquefois se fait en un instant ; la calcination est toujours plus lente, et quelquefois si longue qu’on la croit impossible : à mesure que les matières sont plus inflammables et qu’on leur fournit plus d’air, la combustion s’en fait avec plus de rapidité ; et par la raison inverse, à mesure que les matières sont plus incombustibles la calcination s’en fait avec plus de lenteur. Et lorsque les parties constituantes d’une substance telle que l’or, sont non seulement incombustibles, mais paraissent si fixes qu’on ne peut les volatiliser, la calcination ne produit aucun effet, quelque violente qu’elle puisse être. On doit donc considérer la calcination et la combustion comme des effets du même ordre, dont les extrêmes nous sont désignés par le phosphore qui est le plus inflammable de tous les corps, et par l’or qui de tous est le plus fixe et le moins combustible ; toutes les substances comprises entre ces deux extrêmes seront plus ou moins sujettes aux effets de la combustion ou de la calcination, selon qu’elles s’approcheront plus ou moins de ces deux extrêmes ; de sorte que dans les points milieux, il se trouvera

  1. Voyez sur cela les expériences dont je rends compte dans la partie expérimentale de cet ouvrage.
  1. Dans la calcination, les matières calcaires subissent une diminution de poids résultant de la perte de leur eau.
  2. Elles consistent réellement l’une et l’autre en un phénomène d’oxydation.