Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas la division plus particulière et moins absolue de toutes les matières en deux autres classes, qu’on a jusqu’ici regardées comme relatives à leur propre nature, qui, dit-on, est toujours vitrescible ou calcaire. Notre nouvelle division n’est qu’un point de vue plus élevé, sous lequel il faut les considérer pour tâcher d’en déduire la connaissance même de l’agent qu’on emploie par les différents rapports que le feu peut avoir avec toutes les substances auxquelles on l’applique : faute de comparer ou de combiner ces rapports, ainsi que les moyens qu’on emploie pour appliquer le feu, je vois qu’on tombe tous les jours dans des contradictions apparentes, et même dans des erreurs très préjudiciables[1].

  1. Je vais en donner un exemple récent. Deux habiles chimistes (MM. Pott et d’Arcet) ont soumis un grand nombre de substances à l’action du feu ; le premier s’est servi d’un fourneau que je suis étonné que le second n’ait point entendu, puisque rien ne m’a paru si clair dans tout l’ouvrage de M. Pott, et qu’il ne faut qu’un coup d’œil sur la planche gravée de ce fourneau pour reconnaître que, par sa construction, il peut, quoique sans soufflets, faire à peu près autant d’effet que s’il en était garni : car, au moyen des longs tuyaux qui sont adaptés au fourneau par le haut et par le bas, l’air y arrive et circule avec une rapidité d’autant plus grande, que les tuyaux sont mieux proportionnés : ce sont des soufflets constants, et dont on peut augmenter l’effet à volonté. Cette construction est si bonne et si simple, que je ne puis concevoir que M. d’Arcet dise que ce fourneau est un problème pour lui… qu’il est persuadé que M. Pott a dû se servir de soufflets, etc., tandis qu’il est évident que son fourneau équivaut par sa construction à l’action des soufflets, et est que par conséquent il n’avait pas besoin d’y avoir recours ; que d’ailleurs ce fourneau encore exempt du vice que M. d’Arcet reproche aux soufflets, dont il a raison de dire que l’action alterne, sans cesse renaissante et expirante, jette du trouble et de l’inégalité sur celle du feu, ce qui ne peut arriver ici, puisque, pour la construction du fourneau, l’on voit évidemment que le renouvellement de l’air est constant, et que son action ne renaît ni n’expire, mais est continue et toujours uniforme. Ainsi M. Pott a employé l’un des moyens dont on se doit servir pour appliquer le feu, c’est-à-dire un moyen par lequel, comme par soufflets, on augmente la vitesse du feu, en le pressant incessamment par un air toujours renouvelé ; et toutes les fusions qu’il a faites par ce moyen et dont j’ai répété quelques-unes, comme celle du grès, du quartz, etc., sont très réelles, quoique M. d’Arcet les nie ; car pourquoi les nie-t-il ? c’est que de son côté, au lieu d’employer, comme M. Pott, le premier de nos procédés généraux, c’est-à-dire le feu par sa vitesse, accélérée autant qu’il est possible par le mouvement rapide de l’air, moyen par lequel il eût obtenu les mêmes résultats, il s’est servi du second procédé, et n’a employé que le feu en grand volume dans un fourneau sans soufflets et sans équivalent, dans lequel par conséquent le feu ne devait pas produire les mêmes effets, mais devait en donner d’autres, que par la même raison le premier procédé ne pouvait pas produire ; ainsi les contradictions entre les résultats de ces deux habiles chimistes ne sont qu’apparentes et fondées sur deux erreurs évidentes. La première consiste à croire que le feu le plus violent est celui qui est en plus grand volume ; la seconde, que l’on doit obtenir du feu violent les mêmes résultats, de quelque manière qu’on l’applique : cependant ces deux idées sont fausses ; la considération des vérités contraires est encore une des premières pierres qu’il faudrait poser aux fondements de la chimie ; car ne serait-il pas très nécessaire avant tout, et pour éviter de pareilles contradiction à l’avenir, que les chimistes ne perdissent pas de vue qu’il y a trois moyens généraux et très différents l’un de l’autre d’appliquer le feu violent ? Le premier, comme je l’ai dit, par lequel on n’emploie qu’un petit volume de feu, mais que l’on agite, aiguise, exalte au plus haut degré par la vitesse de l’air, soit par des soufflets, soit par un fourneau semblable à celui de M. Pott, qui tire l’air avec rapidité : on voit, par l’effet de la lampe d’émailleur, qu’avec une quantité de feu presque infiniment petite, on fait de plus grands effets en petit que le fourneau de verrerie ne peut en faire en grand. Le second moyen est d’appliquer le feu, non pas en petite, mais en très grande quantité, comme on le fait dans les fourneaux de porcelaine et de verrerie, où le feu n’est fort que par son volume, où son action est tranquille, et n’est pas exaltée par un renouvellement très rapide de l’air. Le troisième moyen est d’appliquer le feu en très petit volume, mais en augmentant sa masse et son in-