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façon dont il est administré. J’ai pensé qu’on devait considérer le feu dans trois états différents, le premier relatif à sa vitesse, le second à son volume, et le troisième à sa masse : sous chacun de points de vue, cet élément si simple, si uniforme en apparence, paraîtra, pour ainsi dire, un élément différent. On augmente la vitesse du feu sans en augmenter le volume apparent, toutes les fois que dans un espace donné et rempli de matières combustibles on presse l’action et le développement du feu en augmentant la vitesse de l’air par des soufflets, des trompes, des ventilateurs, des tuyaux d’aspiration, etc., qui tous accélèrent plus ou moins la rapidité de l’air dirigé sur le feu : ce qui comprend, comme l’on voit, tous les instruments, tous les fourneaux à vent, depuis les grands fourneaux de forges jusqu’à la lampe des émailleurs.

On augmente l’action du feu par son volume toutes les fois qu’on accumule une grande quantité de matières combustibles et qu’on en fait rouler la chaleur et la flamme dans des fourneaux de réverbère : ce qui comprend, comme l’on sait, les fourneaux de nos manufactures de glaces, de cristal, de verre, de porcelaine, de poterie, et aussi ceux où l’on fond tous les métaux et les minéraux, à l’exception du fer ; le feu agit ici par son volume et n’a que sa propre vitesse, puisqu’on n’en augmente pas la rapidité par des soufflets ou d’autres instruments qui portent l’air sur le feu. Il est vrai que la forme des tisards, c’est-à-dire des ouvertures principales par où ces fourneaux tirent l’air, contribue à l’attirer plus puissamment qu’il ne le serait en espace libre ; mais cette augmentation de vitesse est très peu considérable en comparaison de la grande rapidité que lui donnent les soufflets : par ce dernier procédé on accélère l’action du feu qu’on aiguise par l’air autant qu’il est possible ; par l’autre procédé on l’augmente en concentrant sa flamme en grand volume.

Il y a, comme l’on voit, plusieurs moyens d’augmenter l’action du feu, soit qu’on veuille le faire agir par sa vitesse ou par son volume ; mais il n’y en a qu’un seul par lequel on puisse augmenter sa masse, c’est de le réunir au foyer d’un miroir ardent. Lorsqu’on reçoit sur un miroir réfringent ou réflexif les rayons du soleil, ou même ceux d’un feu bien allumé, on les réunit dans un espace d’autant moindre que le miroir est plus grand et le foyer plus court. Par exemple, avec un miroir de quatre pieds de diamètre et d’un pouce de foyer, il est clair que la quantité de lumière ou de feu qui tombe sur le miroir de quatre pieds se trouvant réunie dans l’espace d’un pouce, serait deux mille trois cent quatre fois plus dense qu’elle ne l’était, si toute la matière incidente arrivait sans perte à ce foyer. Nous verrons ailleurs ce qui s’en perd effectivement, mais il nous suffit ici de faire sentir que quand même cette perte serait des deux tiers ou des trois quarts, la masse du feu concentré au foyer de ce miroir sera toujours six ou sept cents fois plus dense qu’elle ne l’était à la surface du miroir. Ici, comme dans tous les autres cas, la masse accroît par la contraction du volume, et le feu dont on augmente la densité a toutes les propriétés d’une masse de matière : car indépendamment de l’action de la chaleur par laquelle il pénètre les corps, il les pousse et les déplace comme le ferait un corps solide en mouvement qui en choquerait un autre. On pourra donc augmenter par ce moyen la densité ou la masse du feu, d’autant plus qu’on perfectionnera davantage la construction des miroirs ardents.

Or, chacune de ces trois manières d’administrer le feu et d’en augmenter ou la vitesse, ou le volume, ou la masse, produit sur les mêmes substances des effets souvent très différents ; on calcine par l’un de ces moyens ce que l’on fond par l’autre ; on volatilise par le dernier ce qui paraît réfractaire au premier : en sorte que la même matière donne des résultats si peu semblables qu’on ne peut compter sur rien, à moins qu’on ne la travaille en même temps ou successivement par ces trois moyens ou procédés que nous venons d’indiquer, ce qui est une route plus longue, mais la seule qui puisse nous conduire à la connaissance exacte de tous les rapports que les diverses substances peuvent avoir avec l’élément du feu. Et de la même manière que je divise en trois procédés généraux l’admi-