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ci que les parties de la matière soient assez divisées, assez séparées les unes des autres, pour pouvoir être enlevées par celles de la chaleur ; au lieu que pour la combustion, il faut encore qu’elles soient d’une nature analogue à celle du feu ; sans cela le mercure, qui est le plus fluide après l’air, serait aussi le plus combustible, tandis que l’expérience nous démontre que, quoique très volatil, il est incombustible. Or, quelle est donc l’analogie ou plutôt le rapport de nature que peuvent avoir les matières combustibles avec le feu ? La matière en général est composée de quatre substances principales, qu’on appelle éléments ; la terre, l’eau, l’air et le feu entrent tous quatre en plus ou moins grande quantité dans la composition de toutes les matières particulières ; celles où la terre et l’eau dominent seront fixes, et ne pourront devenir que volatiles par l’action de la chaleur ; celles contraire qui contiennent beaucoup d’air et de feu seront les seules vraiment combustibles. La grande difficulté qu’il y ait ici, c’est de concevoir nettement comment l’air et le feu, tous deux si volatils, peuvent se fixer et devenir parties constituantes de tous les corps ; je dis de tous les corps, car nous prouverons que, quoiqu’il y ait une plus grande quantité d’air et de feu fixes dans les matières combustibles, et qu’ils y soient combinés d’une manière différente que dans les autres matières, toutes néanmoins contiennent une quantité considérable de ces deux éléments ; et que les matières les plus fixes et les moins combustibles sont celles qui retiennent ces éléments fugitifs avec le plus de force. Le fameux phlogistique des chimistes (être de leur méthode plutôt que de la nature) n’est pas un principe simple et identique, comme ils nous le présentent ; c’est un composé, un produit de l’alliage, un résultat de la combinaison des deux éléments, de l’air et du feu fixés dans les corps. Sans nous arrêter donc sur les idées obscures et incomplètes que pourrait nous fournir la considération de cet être précaire, tenons-nous-en à celle de nos quatre éléments réels, auxquels les chimistes, avec tous leurs nouveaux principes, seront toujours forcés de revenir ultérieurement.

Nous voyons clairement que le feu, en absorbant de l’air, en détruit le ressort. Or, il n’y a que deux manières de détruire un ressort, la première en le comprimant assez pour le rompre, la seconde en l’étendant assez pour qu’il soit sans effet. Ce n’est pas de la première manière que le feu peut détruire le ressort de l’air, puisque le moindre degré de chaleur le raréfie, que cette raréfaction augmente avec elle, et que l’expérience nous apprend qu’à une très forte chaleur, la raréfaction de l’air est si grande qu’il occupe alors un espace treize fois plus étendu que celui de son volume ordinaire ; le ressort dès lors en est d’autant plus faible, et c’est dans cet état qu’il peut devenir fixe et s’unir sans résistance sous cette nouvelle forme avec les autres corps. On entend bien que cet air, transformé et fixé, n’est point du tout le même que celui qui se trouve dispersé, disséminé dans la plupart des matières, et qui conserve dans leurs pores sa nature entière ; celui-ci ne leur est que mélangé et non pas uni ; il ne leur tient que par une très faible adhérence, au lieu que l’autre leur est si étroitement attaché, si intimement incorporé, que souvent on ne peut l’en séparer.

Nous voyons de même que la lumière, en tombant sur les corps, n’est pas, à beaucoup près, entièrement réfléchie, qu’il en reste une grande quantité dans la petite épaisseur de la surface qu’elle frappe ; que par conséquent elle y perd son mouvement, s’y éteint, s’y fixe, et devient dès lors partie constituante de tout ce qu’elle pénètre. Ajoutez à cet air, à cette lumière, transformés et fixés dans les corps, et qui peuvent être en quantité variable ; ajoutez-y, dis-je, la quantité constante du feu que toutes les matières, de quelque espèce que ce soit, possèdent également ; cette quantité constante de feu ou de chaleur actuelle du globe de la terre, dont la somme est bien plus grande que celle de la chaleur qui nous vient du soleil, me paraît être non seulement un des grands ressorts du mécanisme de la nature, mais en même temps un élément dont toute la matière du globe est pénétrée ; c’est le feu élémentaire qui, quoique toujours en mouvement expansif, doit