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quelque exactitude que les physiciens, et en particulier M. de Mairan, aient apportée dans ces recherches, quelque précision qu’ils aient pu mettre dans leurs observations et dans leur calcul, j’ai vu en les examinant que le résultat pouvait en être porté plus haut[1].

Cette grande chaleur qui réside dans l’intérieur du globe, qui sans cesse en émane à l’extérieur, doit entrer comme élément dans la combinaison de tous les autres éléments. Si le soleil est le père de la nature, cette chaleur de la terre en est la mère, et toutes deux se réunissent pour produire, entretenir, animer les êtres organisés, et pour travailler, assimiler, composer les substances inanimées[NdÉ 1]. Cette chaleur intérieure du globe, qui tend

  1. Les physiciens ont pris pour le degré du froid absolu mille degrés au-dessous de congélation ; il fallait plutôt le supposer de dix mille que de mille : car, quoique je sois très persuadé qu’il n’existe rien d’absolu dans la nature, et que peut-être un froid de dix mille degrés n’existe que dans les espaces les plus éloignés de tout soleil, cependant, comme il s’agit ici de prendre pour unité le plus grand froid possible, je l’aurais au moins supposé plus grand que celui dont nous pouvons produire la moitié ou les trois cinquièmes ; car on a produit artificiellement cinq cent quatre-vingt-douze degrés de froid à Pétersbourg, le 6 janvier 1760, le froid naturel étant de trente et un degrés au-dessous de la congélation ; et si l’on eût fait la même expérience en Sibérie, où le froid naturel est quelquefois de soixante-dix degrés, on eût produit un froid de plus de mille degrés : car on a observé que le froid artificiel suivait la même proportion que le froid naturel. Or, 31 : 592 : : 70 : 1336 24/31 ; il serait donc possible de produire en Sibérie un froid de treize cent trente-six degrés au-dessous de la congélation ; donc le plus grand degré de froid possible doit être supposé bien au delà de mille ou même de treize cent trente-six pour en faire l’unité à on rapporte les degrés de la chaleur, tant solaire que terrestre, ce qui ne laissera pas d’en rendre la différence encore plus grande. — Une autre remarque que j’ai faite, en examinant la construction de la table dans laquelle M. de Mairan donne les rapports de la chaleur des émanations du globe terrestre à ceux de la chaleur solaire pour tous les climats de la terre, c’est qu’il n’a pas pensé ou qu’il a négligé d’y faire entrer la considération de l’épaisseur du globe, plus grande sous l’équateur que sous les pôles. Cela néanmoins devrait être mis en compte, et aurait un peu changé les rapports qu’il donne pour chaque latitude. — Enfin une troisième remarque, et qui tient à la première, c’est qu’il dit (page 160) qu’ayant fait construire une machine qui était comme un extrait de mes miroirs brûlants, et ayant fait tomber la lumière réfléchie du soleil sur des thermomètres, il avait toujours trouvé que, si un miroir plan avait fait monter la liqueur, par exemple, de trois degrés, deux miroirs dont on réunissait la lumière la faisaient monter de six degrés, et trois miroirs de neuf degrés. Or, il est aisé de sentir que ceci ne peut pas être généralement vrai, car la grandeur des degrés du thermomètre n’est fondée que sur la division en mille parties, et sur la supposition que mille degrés au-dessous de la congélation fond le froid absolu ; et comme il s’en faut bien que ce terme soit celui du plus grand froid possible, il est nécessaire qu’une augmentation de chaleur double ou triple par la réunion de deux ou trois miroirs, élève la liqueur à des hauteurs différentes de celle des degrés du thermomètre, selon que l’expérience sera faite dans un temps plus ou moins chaud, que celui où ces hauteurs s’accorderont le mieux ou différeront le moins sera celui des jours chauds de l’été, et que, les expériences ayant été faites sur la fin de mai, ce n’est que par hasard qu’elles ont donné le résultat des augmentations de chaleur par les miroirs, proportionnelles aux degrés de l’échelle du thermomètre. Mais j’abrège cette critique, en renvoyant à ce que j’ai dit, près de vingt ans avant ce Mémoire de M. de Mairan, sur la construction d’un thermomètre réel, et sa graduation par le moyen de mes miroirs brûlants. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences, année 1747.
  1. La chaleur intérieure du globe ne joue aucun rôle dans le développement et le maintien de la vie à la surface de la nature. Toute la chaleur nécessaire aux êtres vivants vient du soleil.