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de ces mines, et, au défaut d’une assez grande quantité de ces échantillons, tous les renseignements que j’ai pu obtenir par la voie de quelques amis intelligents. Voici ce que m’a écrit M. de Morogues au sujet des mines qu’on emploie à Ruelle.

« La première est dure, compacte, pesante, faisant feu avec l’acier, de couleur rouge-brun, formée par deux couches d’inégale épaisseur, dont l’une est spongieuse, parsemée de trous ou cavités, d’un velouté violet foncé, et quelquefois d’un bleu indigo à sa cassure, ayant des mamelons, teignant en rouge de sanguine ; caractères qui peuvent la faire ranger dans la septième classe de l’art des forges, comme une espèce de pierre hématite, mais elle est riche et douce.

» La seconde ressemble assez à la précédente pour la pesanteur, la dureté et la couleur, mais elle est un peu salardée (on appelle salard ou mine salardée, celle qui a des grains de sable clair, et qui est mêlée de sable gris blanc, de caillou et de fer) ; elle est riche en métal ; employée avec de la mine très douce, elle se fond très facilement. Son tissu à sa cassure est strié et parsemé quelquefois de cavités d’un brun noir. Elle paraît de la sixième espèce de la mine rougeâtre dans l’art des forges.

» La troisième, qu’on nomme dans le pays glacieuse parce qu’elle a ordinairement quelques-unes de ses faces lisses et douces au toucher, n’est ni fort pesante ni fort riche ; elle a communément quelques petits points noirs et luisants, d’un grain semblable au maroquin : sa couleur est variée ; elle a du rouge assez vif, du brun, du jaune, un peu de vert et quelques cavités ; elle paraît, à cause de ses faces unies et luisantes, avoir quelque rapport à la mine spéculaire de la huitième espèce.

» La quatrième, qui fournit d’excellent fer, mais en petite quantité, est légère, spongieuse, assez tendre, d’une couleur brune presque noire, ayant quelques mamelons et sablonneuse ; elle paraît être une sorte de mine limoneuse de la onzième espèce.

» La cinquième est une mine salardée faisant beaucoup de feu avec l’acier, dure, compacte, pesante, parsemée à la cassure de petits points brillants qui ne sont que du sable de couleur de lie-de-vin. Cette mine est difficile à fondre ; la qualité de son fer passe pour n’être pas mauvaise, mais elle en produit peu ; les ouvriers prétendent qu’il n’y a pas moyen de la fondre seule, et que l’abondance des crasses qui s’en séparent l’agglutine à l’ouvrage du fourneau. Cette mine ne paraît pas avoir de ressemblance bien caractérisée avec celle dont Swedenborg a parlé.

» On emploie encore un grand nombre d’autres espèces de mine, mais elles ne diffèrent des précédentes que par moins de qualité, à l’exception d’une espèce d’ocre martiale qui peut fournir ici une sixième classe. Cette mine est assez abondante dans les minières ; elle est aisée à tirer, on l’enlève comme la terre, elle est jaune et quelquefois mêlée de petites grenailles, elle fournit peu de fer, elle est très douce, on peut la ranger dans la douzième espèce de l’art des forges.

» La gangue de toutes les mines du pays est une terre vitrifiable rarement argileuse. Toutes ces espèces de mines sont mêlées, et le terrain dont on les tire est presque tout sableux.

» On appelle schiffre en Angoumois un caillou assez semblable aux pierres à feu, et qui en donne beaucoup quand on le frappe avec l’acier. Il est d’un jaune clair, fort dur ; il tient quelquefois à des matières qui peuvent avoir du fer, mais ce n’est point le schiste.

» La castine est une vraie pierre calcaire assez pure, si l’on en peut juger par l’uniformité de sa cassure et de sa couleur qui est gris blanc ; elle est pesante, assez dure, et prend un poli fort doux au toucher. »

Par ce récit de M. de Morogues, il me semble qu’il n’y a que la sixième espèce qui ne demande pas à être grillée, mais seulement bien lavée avant de la jeter au fourneau.