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du cuivre avec le fer rend celui-ci beaucoup plus aigre ; que, quand on soude de la fonte avec elle-même par le moyen du soufre, on la change de nature, et que la ligne de jonction des deux parties soudées n’est plus de la fonte de fer, mais de la pyrite très cassante ; et qu’en général le soufre est un intermède qu’on ne doit jamais employer lorsqu’on veut souder du fer sans en altérer la qualité : je ne donne ceci que pour avis à ceux qui pourraient prendre cette voie comme la plus sûre et la plus aisée pour rendre le fer fusible et en faire de grosses pièces.

Si l’on conserve l’usage de forer les canons, et qu’on les coule de bonne fonte dure, il faudra en revenir aux machines à forer de M. le marquis de Montalembert, celles de M. Maritz n’étant bonnes que pour le bronze ou la fonte de fer tendre. M. de Montalembert est encore un des hommes de France qui entend le mieux cet art de la fonderie des canons, et j’ai toujours gémi que son zèle, éclairé de toutes les connaissances nécessaires en ce genre, n’ait abouti qu’au détriment de sa fortune : comme je vis éloigné de lui, j’écris ce Mémoire sans le lui communiquer, mais je serai plus flatté de son approbation que de celle de qui que ce soit, car je ne connais personne qui entende mieux ce dont il est ici question. Si l’on mettait en masse, dans ce royaume, les trésors de lumière que l’on jette à l’écart, ou qu’on a l’air de dédaigner, nous serions bientôt la nation la plus florissante et le peuple le plus riche. Par exemple, il est le premier qui ait conseillé de reconnaître la résistance de la fonte par sa pesanteur spécifique ; il a aussi cherché à perfectionner l’art de la moulerie en sable des canons de fonte de fer, et cet art est perdu depuis qu’on a imaginé de les tourner. Avec les moules en terre, dont on se servait auparavant, la surface des canons était toujours chargée d’aspérités et de rugosités : M. de Montalembert avait trouvé le moyen de faire des moules en sable qui donnaient à la surface du canon tout le lisse et même le luisant qu’on pouvait désirer. Ceux qui connaissent les arts en grand sentiront bien les difficultés qu’il a fallu surmonter pour en venir à bout, et les peines qu’il a fallu prendre pour former des ouvriers capables d’exécuter ces moules, auxquels ayant substitué le mauvais usage du tour, on a perdu un art excellent pour adopter une pratique funeste[1].

Une attention très nécessaire lorsque l’on coule du canon, c’est d’empêcher les écumes

    prête à toutes les formes que prend la matière ; elle s’affaisse avec elle dans le moule : son fer ne perd ni sa ductilité ni son ressort, dans la commotion du tir l’effort est distribué sur toute son étendue. Elle enveloppe presque toute l’épaisseur du canon, et dès lors s’oppose à sa rupture avec une résistance de près de trente mille livres de force. Si la fonte éprouve une plus grande dilatation que le fer, elle résiste avec toute cette force ; si cette dilatation est moindre, la spirale ne reçoit que le mouvement qui lui est communiqué. Ainsi dans l’un et l’autre cas l’effet est le même. L’assemblage des barres, au contraire, ne résiste que par les cercles qui les contiennent. Lorsqu’on en a revêtu l’âme des canons, on n’a pas augmenté la résistance de la fonte, sa tendance à se rompre a été la même, et lorsqu’on a enveloppé son épaisseur, les cercles n’ont pu soutenir également l’effort qui se partage sur tout le développement de la spirale. Les barres d’ailleurs s’opposent aux vibrations des cercles. La spirale que j’ai mise dans un canon de six, foré et éprouvé au calibre de douze, ne pesait que quatre-vingt-trois livres ; elle avait 2 pouces de largeur et 4 lignes d’épaisseur. La distance d’une hélice à l’autre était aussi de 2 pouces ; elle était roulée à chaud sur un mandrin de fer. »

  1. L’outil à langue de carpe perce la fonte de fer avec une vitesse presque double de celle de l’outil à cylindre. Il n’est point nécessaire, avec ce premier outil, de seringuer de l’eau dans la pièce, comme il est d’usage de le faire en employant le second qui s’échauffe beaucoup par son frottement très considérable. L’outil à cylindre serait détrempé en peu de temps sans cette précaution : elle est même souvent insuffisante ; dès que la fonte se trouve plus compacte et plus dure, cet outil ne peut la forer. La limaille sort naturellement avec l’outil à langue de carpe, tandis qu’avec l’outil à cylindre il faut employer continuellement