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et dans quelques autres endroits, on tire immédiatement le fer de la mine sans le faire couler en fonte. On fond ou plutôt on ramollit la mine sans fondant, c’est-à-dire sans castine, dans de petits fourneaux dont je parlerai dans la suite, et on en tire des loupes ou des masses de fer déjà pur qui n’a point passé par l’état de la fonte, qui s’est formé par une demi-fusion, par une espèce de coagulation de toutes les parties ferrugineuses de la mine. Ce fer fait par coagulation est certainement le meilleur de tous : on pourrait l’appeler fer à 24 carats ; car, au sortir du fourneau, il est déjà presque aussi pur que celui de la fonte qu’on a purifiée par deux chaudes au feu de l’affinerie. Je crois donc cette pratique excellente, je suis même persuadé que c’est la seule manière de tirer immédiatement de l’acier de toutes les mines, comme je l’ai fait dans mes fourneaux de 14 pieds de hauteur ; mais n’ayant fait exécuter que l’été dernier, 1772, les petits fourneaux des Pyrénées, d’après un Mémoire envoyé à l’Académie des Sciences, j’y ai trouvé des difficultés qui m’ont arrêté, et me forcent à renvoyer à un autre Mémoire tout ce qui a rapport à cette manière de fondre les mines de fer.




DIXIÈME MÉMOIRE

OBSERVATIONS ET EXPÉRIENCES FAITES DANS LE BUT D’AMÉLIORER LES CANONS DE LA MARINE.

Les canons de la marine sont de fonte de fer, en France comme en Angleterre, en Hollande et partout ailleurs. Deux motifs ont pu donner également naissance à cet usage ; le premier est celui de l’économie : un canon de fer coulé coûte beaucoup moins qu’un canon de fer battu, et encore beaucoup moins qu’un canon de bronze ; et cela seul a peut-être suffi pour les faire préférer, d’autant que le second motif vient à l’appui du premier. On prétend, et je suis très porté à le croire, que les canons de bronze, dont quelques-uns de nos vaisseaux de parade sont armés, rendent dans l’instant de l’explosion un son si violent qu’il en résulte dans l’oreille de tous les habitants du vaisseau un tintement assourdissant, qui leur ferait perdre en peu de temps le sens de l’ouïe. On assure, d’autre côté, que les canons de fer battu sur lesquels on pourrait, par l’épargne de la matière, regagner une partie des frais de la fabrication, ne doivent point être employés sur les vaisseaux, par cette raison même de leur légèreté, qui paraîtrait devoir les faire préférer : l’explosion les fait sauter dans les sabords, où l’on ne peut, dit-on, les retenir invinciblement, ni même assez pour les diriger à coup sûr. Si cet inconvénient n’est pas réel, ou si l’on pouvait y parer, nul doute que les canons de fer forgé ne dussent être préférés à ceux de fer coulé : ils auraient moitié plus de légèreté et plus du double de résistance. Le maréchal de Vauban en avait fait fabriquer de très beaux, dont il restait encore, ces années dernières, quelques tronçons à la manufacture de Charleville[1]. Le

  1. Une personne très versée dans la connaissance de l’art des forges m’a donné la note suivante :

    « Il me paraît que l’on peut faire des canons de fer battu, qui seraient beaucoup plus sûrs et plus légers que les canons de fer coulé, et voici les proportions sur lesquelles il faudrait en tenter les expériences.

    » Les canons de fer battu, de quatre livres de balles, auront 7 pouces 1/2 d’épaisseur à leur plus grand diamètre.

    » Ceux de huit, 10 pouces.