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mines, dont on ne peut pas estimer au juste, ni même à peu près, le rapport avec le volume total du grain ; et l’épreuve chimique que M. Sage a faite, à ma prière, d’un morceau de mine de fer cubique, semblable à celui de Sibérie, que mes tireurs de mine ont trouvé dans le territoire de Montbard, semble confirmer mon opinion, M. Sage n’en ayant tiré que cinquante pour cent[1]. Cette mine est toute différente de nos mines en grain, le fer y étant contenu en masses de figure cubique, au lieu que tous nos grains sont toujours plus ou moins arrondis, et que, quand ils forment une masse, ils ne sont pour ainsi dire qu’agglutinés par un ciment terreux facile à diviser ; au lieu que dans cette mine cubique, ainsi que dans toutes les autres vraies mines en roche, le fer est intimement uni avec les autres matières qui composent leur masse. J’aurais bien désiré faire l’épreuve en grand de cette mine cubique, mais on n’en a trouvé que quelques petits morceaux dispersés çà et là dans les fouilles des autres mines, et il m’a été impossible d’en rassembler assez pour en faire l’essai dans mes fourneaux.

Les essais en grand des différentes mines de fer sont plus difficiles, et demandent plus d’attention qu’on ne l’imaginerait. Lorsqu’on veut fondre une nouvelle mine, et en comparer au juste le produit avec celui des mines dont on usait précédemment, il faut prendre le temps où le fourneau est en plein exercice, et, s’il consomme dix mesures de mine par charge, ne lui en donner que sept ou huit de la nouvelle mine : il m’est arrivé d’avoir fort embarrassé mon fourneau faute d’avoir pris cette précaution, parce qu’une mine dont on n’a point encore usé peut exiger plus de charbon qu’une autre, ou plus ou moins de vent, plus ou moins de castine, et pour ne rien risquer il faut commencer par une moindre quantité, et charger ainsi jusqu’à la première coulée. Le produit de cette première coulée est une fonte mélangée environ par moitié de la mine ancienne et de la nouvelle ; et ce n’est qu’à la seconde, et quelquefois même à la troisième coulée que l’on a sans mélange la fonte produite par la nouvelle mine : si la fusion s’en fait avec succès, c’est-à-dire sans embarrasser le fourneau, et si les charges descendent promptement, on augmentera la quantité de mine par demi-mesure, non pas de charge en charge, mais seulement de coulées en coulées, jusqu’à ce qu’on parvienne au point d’en mettre la plus grande quantité qu’on puisse employer sans gâter sa fonte. C’est ici le point essentiel, et auquel tous les gens de cet art manquent par raison d’intérêt : comme ils ne cherchent qu’à faire la plus grande quantité de fonte, sans trop se soucier de la qualité ; qu’ils paient même leur fondeur au millier, et qu’ils en sont d’autant plus contents, que cet ouvrier coule plus de fonte toutes les vingt-quatre heures, ils ont coutume de faire charger le fourneau d’autant de mine qu’il peut en supporter sans s’obstruer ; et par ce moyen au lieu de quatre cents milliers de bonne fonte qu’ils feraient en quatre mois, ils en font dans ce même espace de temps cinq ou six cents milliers. Cette fonte, toujours très cassante et très blanche, ne

  1. Cette mine est brune, fait feu avec le briquet, et est minéralisée par l’acide marin : on remarque dans sa fracture de petits points brillants de pyrites martiales ; dans les fentes on trouve des cubes de fer de 2 lignes de diamètre, dont les surfaces sont striées ; les stries sont opposées suivant les faces. Ce caractère se remarque dans les mines de fer de Sibérie ; cette mine est absolument semblable à celles de ce pays, par la couleur, la configuration des cristaux et les minéralisations ; elle en diffère en ce qu’elle ne contient point d’or.

    Par la distillation au fourneau de réverbère, j’ai retiré de six cents grains de cette mine vingt gouttes d’eau insipide et très claire : j’avais enduit d’huile de tartre par défaillance le récipient que j’avais adapté à la cornue ; la distillation finie, je l’ai trouvé obscurci par des cristaux cubiques de sel fébrifuge de Sylvius.

    Le résidu de la distillation était d’un rouge pourpre, et avait diminué de 10 livres par quintal.

    J’ai retiré de cette mine 52 livres de fer par quintal ; il était très ductile.