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troisième et une quatrième mesure qu’on relève de même, et ainsi de suite jusqu’à la huitième mesure. On emploie quinze ou vingt minutes à charger successivement la mine : cette manière est meilleure et bien plus profitable que la façon ordinaire qui est en usage, par laquelle on se presse de jeter, et toujours du même côté, la mine tout ensemble en moins de trois ou quatre minutes.

4o La conduite du vent contribue beaucoup à l’augmentation du produit de la mine et de l’épargne du charbon ; il faut, dans le commencement du fondage, donner le moins de vent qu’il est possible, c’est-à-dire à peu près six coups de soufflets par minute, et augmenter peu à peu le mouvement pendant les quinze premiers jours, au bout desquels on peut aller jusqu’à onze et même jusqu’à douze coups de soufflets par minute ; mais il faut encore que la grandeur des soufflets soit proportionnée à la capacité du fourneau, et que l’orifice de la tuyère soit placé d’un tiers plus près de la rustine que de la tympe, afin que le vent ne se porte pas trop du côté de l’ouverture qui donne passage au laitier. Les buses des soufflets doivent être posées à 6 ou 7 pouces en dedans de la tuyère, et le milieu du creuset doit se trouver à l’aplomb du centre du gueulard ; de cette manière le vent circule à peu près également dans toute la cavité du fourneau, et la mine descend, pour ainsi dire, à plomb, et ne s’attache que très rarement et en petite quantité aux parois du fourneau : dès lors il s’en brûle très peu, et l’on évite les embarras qui se forment souvent par cette mine attachée, et les bouillonnements qui arrivent dans le creuset lorsqu’elle vient à se détacher et y tomber en masse ; mais je renvoie les détails de la construction et de la conduite des fourneaux à un autre Mémoire, parce que ce sujet exige une très longue discussion. Je pense que j’en ai dit assez pour que les maîtres de forges puissent m’entendre et changer ou perfectionner leurs méthodes d’après la mienne. J’ajouterai seulement que, par les moyens que je viens d’indiquer et en ne pressant pas le feu, en ne cherchant point à accélérer les coulées, en n’augmentant de mine qu’avec précaution, en se tenant toujours au-dessous de la quantité qu’on pourrait charger, on sera sûr d’avoir de très bonne fonte grise dont on tirera d’excellent fer, et qui sera toujours de même qualité, de quelque mine qu’il provienne ; je puis l’assurer de toutes les mines en grain, puisque j’ai sur cela l’expérience la plus constante et les faits les plus réitérés. Mes fers, depuis cinq ans, n’ont jamais varié pour la qualité, et néanmoins j’ai employé sept espèces de mine différentes ; mais je n’ai garde d’assurer de même que les mines de fer en roche donneraient, comme celles en grain, du fer de même qualité, car celles qui contiennent du cuivre ne peuvent guère produire que du fer aigre et cassant, de quelque manière qu’on voulût les traiter, parce qu’il est comme impossible de les purger de ce métal, dont le moindre mélange gâte beaucoup la qualité du fer ; celles qui contiennent des pyrites et beaucoup de soufre demanderaient à être traitées dans de petits fourneaux presque ouverts, ou à la manière des forges des Pyrénées ; mais comme toutes les mines en grain, du moins toutes celles que j’ai eu occasion d’examiner (et j’en ai vu beaucoup, m’en étant procuré d’un grand nombre d’endroits), ne contiennent ni cuivre ni soufre, on sera certain d’avoir du très bon fer, et de la même qualité, en suivant les précédés que je viens d’indiquer. Et comme ces mines en grain sont, pour ainsi dire, les seules que l’on exploite en France, et qu’à l’exception des provinces du Dauphiné, de Bretagne, du Roussillon, du pays de Foix, etc., où l’on se sert de mine en roche, presque toutes nos autres provinces n’ont que des mines en grain, les procédés que je viens de donner pour le traitement de ces mines en grain seront plus généralement utiles au royaume que les manières particulières de traiter les mines en roche, dont d’ailleurs on peut s’instruire dans Swedenborg et dans quelques autres auteurs.

Ces procédés, que tous les gens qui connaissent les forges peuvent entendre aisément, se réduisent à séparer d’abord autant qu’il sera possible toutes les matières étrangères qui se trouvent mêlées avec la mine : si l’on pouvait en avoir le grain pur et sans aucun mélange, tous les fers, dans tout pays, seraient exactement de la même qualité. Je me suis