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de charbon pour chaque livre de fonte, et je doute que la qualité de ses fontes fût aussi parfaite que celle des miennes ; mais cela dépend, comme je viens de le dire, d’un grand nombre d’observations et de précautions dont je vais indiquer les principales.

1o La cheminée du fourneau, depuis la cuve jusqu’au gueulard, doit être circulaire et non pas à huit pans, comme était le fourneau de M. Robert, ou carrée comme le sont les cheminées de la plupart des fourneaux en France : il est bien aisé de sentir que dans un carré la chaleur se perd dans les angles sans réagir sur la mine, et que par conséquent on brûle plus de charbon pour en fondre la même quantité.

2o L’ouverture du gueulard ne doit être que de la moitié du diamètre de la largeur de la cuve du fourneau : j’ai fait des fondages avec de très grands et de très petits gueulards, par exemple, de 3 pieds 1/2 de diamètre, la cuve n’ayant que 5 pieds de diamètre, ce qui est à peu près la proportion des fourneaux de Suède ; et j’ai vu que chaque livre de fonte consommait près de 2 livres de charbon. Ensuite, ayant rétréci la cheminée du fourneau, et laissant toujours à la cuve un diamètre de 5 pieds, j’ai réduit le gueulard à 2 pieds de diamètre, et dans ce fondage j’ai consommé 1 livre 13 onces de charbon pour chaque livre de fonte. La proportion qui m’a le mieux réussi, et à laquelle je me suis tenu, est celle de 2 pieds 1/2 de diamètre au gueulard, sur 5 pieds à la cuve, la cheminée formant un cône droit, portant sur des gueuses circulaires depuis la cuve au gueulard, le tout construit avec des briques capables de résister au plus grand feu. Je donnerai ailleurs la composition de ces briques, et les détails de la construction du fourneau, qui est toute différente de ce qui s’est pratiqué jusqu’ici, surtout pour la partie qu’on appelle l’ouvrage dans le fourneau.

3o La manière de charger le fourneau ne laisse pas d’influer beaucoup plus qu’on ne croit sur le produit de la fusion : au lieu de charger, comme c’est l’usage, toujours du côté de la rustine, et de laisser couler la mine en pente, de manière que ce côté de rustine est constamment plus chargé que les autres, il faut la placer au milieu du gueulard, l’élever en cône obtus, et ne jamais interrompre le cours de la flamme qui doit toujours envelopper le tas de mine tout autour, et donner constamment le même degré de feu. Par exemple, je fais charger communément six paniers de charbon de 40 livres chacun, sur huit mesures de mine de 55 livres chacune, et je fais couler à douze charges ; j’obtiens communément 1 925 livres de fonte de la meilleure qualité ; on commence, comme partout ailleurs, à mettre le charbon ; j’observe seulement de ne me servir au fourneau que de charbon de bois de chêne, et je laisse pour les affineries le charbon des bois plus doux. On jette d’abord cinq paniers de ce gros charbon de bois de chêne, et le dernier panier qu’on impose sur les cinq autres doit être d’un charbon plus menu que l’on entasse et brise avec un râble, pour qu’il remplisse exactement les vides que laissent entre eux les gros charbons : cette précaution est nécessaire pour que la mine, dont les grains sont très menus, ne perce pas trop vite, et n’arrive pas trop tôt au bas du fourneau ; c’est aussi par la même raison, qu’avant d’imposer la mine sur ce dernier charbon, qui doit être non pas à fleur du gueulard, mais à 2 pouces au-dessous, il faut, suivant la nature de la mine, répandre une portion de la castine ou de l’aubue, nécessaire à la fusion, sur la surface du charbon : cette couche de matière soutient la mine et l’empêche de percer. Ensuite on impose au milieu de l’ouverture une mesure de mine qui doit être mouillée, non pas assez pour tenir à la main, mais assez pour que les grains aient entre eux quelque adhérence, et fassent quelques petites pelotes : sur cette première mesure de mine, on en met une seconde et on relève le tout en cône, de manière que la flamme l’enveloppe en entier, et, s’il y a quelques points dans cette circonférence où la flamme ne perce pas, on enfonce un petit ringard pour lui donner jour, afin d’en entretenir l’égalité tout autour de la mine. Quelques minutes après, lorsque le cône de mine est affaissé de moitié ou des deux tiers, on impose de la même façon une