Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/254

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

imaginés, car ils servent en même temps de lavoirs et de cribles ; l’eau emmène avec elle toute la terre qu’elle peut délayer, et les sablons plus menus que les grains de la mine passent en même temps par les petits trous dont le fond du lavoir est percé ; et, dans le cas où les sablons sont aussi gros, mais moins durs que le grain de la mine, le râble de fer les écrase, et ils tombent avec l’eau au-dessous du lavoir ; la mine reste nette et assez pure pour qu’on la puisse fondre avec économie. Mais ces mines, dont les grains sont plus gros et plus durs que ceux des sables ou petits cailloux qui y sont mélangés, sont assez rares. Des sept espèces de mine que j’ai eu occasion de traiter, il ne s’en est trouvé qu’une qui fût dans le cas d’être lavée à ce lavoir, que j’ai fait exécuter et qui a bien réussi : cette mine est celle qui ne contenait que du sable calcaire, qui communément est moins dur que le grain de la mine. J’ai néanmoins observé que les râbles de fer, en frottant contre le fond du lavoir qui est aussi de fer, ne laissaient pas d’écraser une assez grande quantité de grains de mine, qui dès lors passaient avec le sable et tombaient en pure perte sous le lavoir, et je crois cette perte inévitable dans les lavoirs foncés de fer. D’ailleurs la quantité de castine que M. Robert était obligé de mêler à ses mines, et qu’il dit être d’un tiers de la mine[1], prouve qu’il restait encore après le lavage une portion considérable de sablon vitrifiable ou de terre vitrescible dans ses mines ainsi lavées ; car il n’aurait eu besoin que d’un sixième ou même d’un huitième de castine, si les mines eussent été plus épurées, c’est-à-dire plus dépouillées de la terre grasse ou du sable vitrifiable qu’elles contenaient.

Au reste, il n’était pas possible de se servir de ce même lavoir pour les autres six espèces de mines que j’ai eu à traiter : de ces six, il y en avait quatre qui se sont trouvées mêlées d’un sablon vitrescible aussi dur et même plus dur, et en même temps plus gros ou aussi gros que les grains de la mine. Pour épurer ces quatre espèces de mine, je me suis servi de lavoirs ordinaires et foncés de bois plein, avec un courant d’eau plus rapide qu’à l’ordinaire ; on les passait neuf fois de suite à l’eau, et, à mesure que le courant vif de l’eau emportait la terre et le sablon le plus léger et le plus petit, on faisait passer la mine dans des cribles de fil de fer assez serrés pour retenir tous les petits cailloux plus gros que les grains de la mine. En lavant ainsi neuf fois et criblant trois fois, on parvenait à ne laisser dans ces mines qu’environ un cinquième ou un sixième de ces petits cailloux ou sablons vitrescibles, et c’était ceux qui, étant de la même grosseur que les grains de la mine, étaient aussi de la même pesanteur, en sorte qu’on ne pouvait les séparer ni par le lavoir ni par le crible. Après cette première préparation, qui est tout ce qu’on peut faire par le moyen du lavoir et des cribles à l’eau, la mine était assez nette pour pouvoir être mise au fourneau ; et comme elle était encore mélangée d’un cinquième ou d’un sixième de matières vitrescibles, on pouvait la fondre avec un quart de castine ou matière calcaire, et en obtenir de très bon fer en ménageant les charges, c’est-à-dire en mettant moins de mine que l’on n’en met ordinairement ; mais comme alors on ne fond pas à profit, parce qu’on use une grande quantité de charbon, il faut encore tâcher d’épurer sa mine avant de la jeter au fourneau. On ne pourra guère en venir à bout qu’en la faisant vanner et cribler à l’air, comme l’on vanne et crible le blé. J’ai séparé par ces moyens encore plus d’une moitié des matières hétérogènes qui restaient dans mes mines, et, quoique cette dernière opération soit longue et même assez difficile à exécuter en grand, j’ai reconnu, par l’épargne du charbon, qu’elle était profitable ; il en coûtait vingt sous pour vanner et cribler quinze cents pesants de mine, mais on épargnait au fourneau trente-cinq sous de charbon pour la fondre : je crois donc que, quand cette pratique sera connue, on ne manquera pas de l’adopter. La seule difficulté qu’on y trouvera, c’est de faire sécher assez les mines pour les faire passer aux

  1. Méthode pour laver les fers, p. 12 et 13.