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grains de mine et les sables que l’eau n’a pu délayer : si ces sables sont calcaires, il faudra les faire dissoudre à l’eau-forte, et on en connaîtra la quantité en les faisant précipiter après les avoir dissous ; on les pèsera, et dès lors on saura au juste combien la mine contient de terre, de sable calcaire et de fer en grains. Par exemple, la mine dont je me suis servi pour la première expérience de ce Mémoire contenait, par once, 1 gros 1/2 de terre délayée par l’eau, 1 gros 55 grains de sable dissous par l’eau-forte, 3 gros 66 grains de mine de fer, et il y a eu 59 grains de perdus dans les lotions et dissolutions. C’est M. Daubenton, de l’Académie des Sciences, qui a bien voulu faire cette expérience à ma prière, et qui l’a faite avec toute l’exactitude qu’il apporte à tous les sujets qu’il traite.

Après cette épreuve, il faut examiner attentivement la mine dont on vient de séparer la terre et le sable calcaire, et tâcher de reconnaître, à la seule inspection, s’il ne se trouve pas encore parmi les grains de fer des particules d’autres matières que l’eau-forte n’aurait pu dissoudre, et qui par conséquent ne seraient pas calcaires. Dans celle dont je viens de parler, il n’y en avait point du tout, et dès lors j’étais assuré que, sur une quantité de 576 livres de cette mine, il y avait 282 parties de mines de fer, 127 de matière calcaire, et le reste de terre qui peut se délayer à l’eau. Cette connaissance une fois acquise, il sera aisé d’en tirer les procédés qu’il faut suivre pour faire fondre la mine avec avantage et avec certitude d’en obtenir du bon fer, comme nous le dirons dans la suite.

Dans les six autres espèces de mine que j’ai employées, il s’en est trouvé quatre dont le sable n’était point dissoluble à l’eau-forte, et dont par conséquent la nature n’était pas calcaire, mais vitrifiable ; et les deux autres, qui étaient à plus gros grains de fer que les cinq premières, contenaient des graviers calcaires en assez petite quantité, et de petits cailloux arrondis qui étaient de la nature de la calcédoine, et qui ressemblaient par la forme aux chrysalides des fourmis : les ouvriers employés à l’extraction et au lavage de mes mines les appelaient œufs de fourmis. Chacune de ces mines exige une suite de procédés différents pour les fondre avec avantage et pour en tirer du fer de même qualité.

Ces procédés, quoique assez simples, ne laissent pas d’exiger une grande attention : comme il s’agit de travailler sur des milliers de quintaux de mine, on est forcé de chercher tous les moyens et de prendre toutes les voies qui peuvent aller à l’économie ; j’ai acquis sur cela de l’expérience à mes dépens, et je ne ferai pas mention des méthodes qui, quoique plus précises et meilleures que celles dont je vais parler, seraient trop dispendieuses pour pouvoir être mises en pratique. Comme je n’ai pas eu d’autre but dans mon travail que celui de l’utilité publique, j’ai tâché de réduire ces procédés à quelque chose d’assez simple pour pouvoir être entendu et exécuté par tous les maîtres de forges qui voudront faire du bon fer ; mais néanmoins en les prévenant d’avance que ce bon fer leur coûtera plus que le fer commun qu’ils ont coutume de fabriquer, par la même raison que le pain blanc coûte plus que le pain bis ; car il ne s’agit de même que de cribler, trier et séparer le bon grain de toutes les matières hétérogènes dont il se trouve mélangé.

Je parlerai ailleurs de la recherche et de la découverte des mines, mais je suppose ici les mines toutes trouvées et triées ; je suppose aussi que, par des épreuves semblables à celles que je viens d’indiquer, on connaisse la nature des sables qui y sont mélangés. La première opération qu’il faut faire, c’est de les transporter aux lavoirs, qui doivent être d’une construction différente selon les différentes mines : celles qui sont en grains plus gros que les sables qu’elles contiennent, doivent être lavées dans des lavoirs foncés de fer et percés de petits trous comme ceux qu’a proposés M. Robert[1], et qui sont très bien

  1. Méthode pour laver les mines de fer, in-12. Paris, 1757.