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NEUVIÈME MÉMOIRE

EXPÉRIENCES SUR LA FUSION DES MINES DE FER[NdÉ 1].

Je ne pourrai guère mettre d’autre liaison entre ces Mémoires, ni d’autre ordre entre mes différentes expériences, que celui du temps ou plutôt de la succession de mes idées. Comme je ne me trouvais pas assez instruit dans la connaissance des minéraux, que je n’étais pas satisfait de ce qu’on en dit dans les livres, que j’avais bien de la peine à entendre ceux qui traitent de la chimie, où je voyais d’ailleurs des principes précaires, toutes les expériences faites en petit et toujours expliquées dans l’esprit d’une même méthode, j’ai voulu travailler par moi-même ; et, consultant plutôt mes désirs que ma force, j’ai commencé par faire établir sous mes yeux des forges et des fourneaux en grand, que je n’ai pas cessé d’exercer continuellement depuis sept ans.

Le petit nombre d’auteurs qui ont écrit sur les mines de fer ne donnent, pour ainsi dire, qu’une nomenclature assez inutile, et ne parlent point des différents traitements de chacune de ces mines. Ils comprennent dans les mines de fer : l’aimant, l’émeril, l’hématite,  etc., qui sont en effet des minéraux ferrugineux en partie, mais qu’on ne doit pas regarder comme de vraies mines de fer, propres à être fondues et converties en ce métal ; nous ne parlerons ici que de celles dont on doit faire usage, et on peut les réduire à deux espèces principales.

La première est la mine en roche, c’est-à-dire en masses dures, solides et compactes, qu’on ne peut tirer et séparer qu’à force de coins, de marteaux et de masses, et qu’on pourrait appeler pierre de fer. Ces mines ou roches de fer se trouvent en Suède, en Allemagne, dans les Alpes, dans les Pyrénées, et généralement dans la plupart des hautes montagnes de la terre, mais en bien plus grande quantité vers le nord que du côté du midi. Celles de Suède sont de couleur de fer pour la plupart, et paraissent être du fer presque à demi préparé par la nature ; il y en a aussi de couleur brune, rousse ou jaunâtre ; il y en a même de toutes blanches à Allevard en Dauphiné, ainsi que d’autres couleurs : ces dernières mines semblent être composées comme du spath, et on ne reconnaît qu’à leur pesanteur, plus grande que celle des autres spaths, qu’elles contiennent une grande quantité de métal. On peut aussi s’en assurer en les mettant au feu ; car, de quelque couleur qu’elles soient, blanches, grises, jaunes, rousses, verdâtres, bleuâtres, violettes ou rouges, toutes deviennent noires à une légère calcination. Les mines de Suède, qui, comme je l’ai dit, semblent être de la pierre de fer, sont attirées par l’aimant ; il en est de même de la plupart des autres mines en roche, et généralement de toute matière ferrugineuse qui a subi l’action du feu. Les mines de fer en grains, qui ne sont point du tout magnétiques, le deviennent lorsqu’on les fait griller au feu : ainsi les mines de fer en roche et en grandes masses étant magnétiques, doivent leur origine à l’élément du feu. Celles de Suède, qui ont été les mieux observées, sont très étendues et très profondes ; les filons sont perpendi-

  1. Buffon avait installé à Monthard des forges importantes dans lesquelles il fit, tant pour son compte que pour celui du gouvernement français, des expériences nombreuses. Il se piquait de fabriquer des fers de qualité égale, sinon supérieure, à tous ceux de l’Angleterre et de la Suède, qui jouissaient alors comme aujourd’hui d’une réputation incontestée. C’est dans ces forges que furent fabriquées la plupart des grilles qui, à l’heure actuelle, entourent les jardins du Muséum.

    Il n’y a pas de sacrifices que Buffon ne fît pour améliorer sa fabrication, et il fut un temps où les étrangers eux-mêmes venaient visiter ses ateliers.