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de feu, et environ 1 livre sur 500 pour que l’incandescence soit jusqu’au blanc ou jusqu’à la fusion ; en sorte que le fer chauffé à blanc ou le verre en fusion contiennent dans cet état 1/500 de matière ignée dont leur propre substance est pénétrée.

Mais cette grande vérité, qui paraîtra nouvelle aux physiciens, et de laquelle on pourra tirer des conséquences utiles, ne nous apprend pas encore ce qu’il serait cependant le plus important de savoir : je veux dire le rapport de la pesanteur du feu à la pesanteur de l’air ou de la matière ignée à celle des autres matières. Cette recherche suppose de nouvelles découvertes auxquelles je ne suis pas parvenu, et dont je n’ai donné que quelques indications dans mon Traité des Éléments ; car, quoique nous sachions, par mes expériences, qu’il faut une cinq centième partie de matière ignée pour donner à toute autre matière l’état de la plus forte incandescence, nous ne savons pas à quel point cette matière ignée y est condensée, comprimée, ni même accumulée, parce que nous n’avons jamais pu la saisir dans un état constant pour la peser ou la mesurer ; en sorte que nous n’avons point d’unité à laquelle nous puissions rapporter la mesure de l’état d’incandescence. Tout ce que j’ai donc pu faire à la suite de mes expériences, c’est de rechercher combien il fallait consommer de matière combustible pour faire entrer dans une masse de matière solide cette quantité de matière ignée, qui est la cinq centième partie de la masse en incandescence, et j’ai trouvé, par des essais réitérés, qu’il fallait brûler 300 livres de charbon, au vent de deux soufflets de 10 pieds de longueur, pour chauffer à blanc une pièce de fonte de fer de 500 livres pesant. Mais comment mesurer, ni même estimer à peu près la quantité totale de feu produite par ces 300 livres de matière combustible ? comment pouvoir comparer la quantité de feu qui se perd dans les airs avec celle qui s’attache à la pièce de fer, et qui pénètre dans toutes les parties de sa substance ? Il faudrait pour cela bien d’autres expériences, ou plutôt il faut un art nouveau dans lequel je n’ai pu faire que les premiers pas.


VI. — J’ai fait quelques expériences pour reconnaître combien il faut de temps aux matières qui sont en fusion pour prendre leur consistance, et passer de l’état de fluidité à celui de la solidité ; combien de temps il faut pour que la surface prenne sa consistance ; combien il en faut de plus pour produire cette même consistance à l’intérieur, et savoir par conséquent combien le centre d’un globe, dont la surface serait consistante et même refroidie à un certain point, pourrait néanmoins être de temps dans l’état de liquéfaction. Voici ces expériences.

SUR LE FER.

No 1. — Le 29 juillet, à 5 heures 43 minutes, moment auquel la fonte de fer a cessé de couler, on a observé que la gueuse a pris de la consistance sur sa face supérieure en 3 minutes à sa tête, c’est-à-dire à la partie la plus éloignée du fourneau, et en 5 minutes à sa queue, c’est-à-dire à la partie la plus voisine du fourneau. L’ayant alors fait soulever du moule et casser en cinq endroits, on n’a vu aucune marque de fusibilité intérieure dans les quatre premiers morceaux : seulement, dans le morceau cassé le plus près du fourneau, la matière s’est trouvée intérieurement molle, et quelques parties se sont attachées au bout d’un petit ringard, à 5 heures 55 minutes, c’est-à-dire 12 minutes après la fin de la coulée : on a conservé ce morceau numéroté, ainsi que les suivants.

No 2. — Le lendemain 30 juillet, on a coulé une autre gueuse à 8 heures 1 minute ; et à 8 heures 4 minutes, c’est-à-dire 3 minutes après, la surface de sa tête était consolidée ; et, en ayant fait casser deux morceaux, il est sorti de leur intérieur une petite quantité de fonte coulante ; à 8 heures 7 minutes, il y avait encore dans l’intérieur des marques évidentes de fusion, en sorte que la surface a pris consistance en 3 minutes, et l’intérieur ne l’avait pas encore prise en 6 minutes.