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plus longtemps qu’on ne l’imagine ; car, quoique au grand jour il perde sa lumière et paraisse noir au bout de quelques minutes, si on le transporte dans un lieu obscur, on le voit lumineux, et on aperçoit les petites étincelles qu’il continue de lancer pendant quelques autres minutes. 4o Enfin les expériences sur les boulets me laissaient quelque scrupule, parce que la balance dont je me servais alors, quoique bonne, ne me paraissait pas assez précise pour saisir au juste le poids réel d’une matière aussi légère que le feu. Ayant donc fait construire une balance capable de porter aisément 50 livres de chaque côté, à l’exécution de laquelle M. Le Roy, de l’Académie des Sciences, a bien voulu, à ma prière, donner toute l’attention nécessaire, j’ai eu la satisfaction de reconnaître à peu près la pesanteur relative du feu. Cette balance, chargée de 50 livres de chaque côté, penchait assez sensiblement par l’addition de 24 grains ; et, chargée de 25 livres, elle penchait par l’addition de 8 grains seulement.

Pour rendre cette balance plus ou moins sensible, M. Le Roy a fait visser sur l’aiguille une masse de plomb, qui, s’élevant et s’abaissant, change le centre de gravité, de sorte qu’on peut augmenter de près de moitié la sensibilité de la balance. Mais, par le grand nombre d’expériences que j’ai faites de cette balance et de quelques autres, j’ai reconnu qu’en général plus une balance est sensible et moins elle est sage : les caprices, tant au physique qu’au moral, semblent être des attributs inséparables de la grande sensibilité. Les balances très sensibles sont si capricieuses qu’elles ne parlent jamais de la même façon : aujourd’hui elles vous indiquent le poids à un millième près, et demain elles ne le donnent qu’à une moitié, c’est-à-dire à un cinq centième près, au lieu d’un millième. Une balance moins sensible est plus constante, plus fidèle ; et, tout considéré, il vaut mieux, pour l’usage froid qu’on fait d’une balance, la choisir sage que de la prendre ou la rendre trop sensible.

Pour peser exactement des masses pénétrées de feu, j’ai commencé par faire garnir de tôle les bassins de cuivre et les chaînes de la balance afin de ne les pas endommager, et, après en avoir bien établi l’équilibre à son moindre degré de sensibilité, j’ai fait porter sur l’un des bassins une masse de fer rougi à blanc, qui provenait de la seconde chaude qu’on donne à l’affinerie après avoir battu au marteau la loupe qu’on appelle renard : je fais cette remarque parce que mon fer, dès cette seconde chaude, ne donne presque plus de flamme et ne paraît pas se consumer comme il se consume et brûle à la première chaude, et que, quoiqu’il soit blanc de feu, il ne jette qu’un petit nombre d’étincelles avant d’être mis sous le marteau.


I. — Une masse de fer rougi à blanc s’est trouvée peser précisément 49 livres 9 onces : l’ayant enlevée doucement du bassin de la balance et posée sur une pièce d’autre fer où on la laissait refroidir sans la toucher, elle s’est trouvée, après son refroidissement, au degré de la température de l’air, qui était alors celui de la congélation, ne peser que 49 livres 7 onces juste : ainsi elle a perdu 2 onces pendant son refroidissement ; on observera qu’elle ne jetait aucune étincelle, aucune vapeur assez sensible pour ne devoir pas être regardée comme la pure émanation du feu. Ainsi l’on pourrait croire que la quantité de feu contenue dans cette masse de 49 livres 9 onces étant de 2 onces, elle formait environ 1/396 ou 1/397 du poids de la masse totale. On a remis ensuite cette masse refroidie au feu de l’affinerie, et l’ayant fait chauffer à blanc comme la première fois, et porter au marteau, elle s’est trouvée, après avoir été malléée et refroidie, ne peser que 47 livres 12 onces 3 gros : ainsi le déchet de cette chaude, tant au feu qu’au marteau, était de 1 livre 10 onces 3 gros ; et ayant fait donner une seconde et une troisième chaude à cette pièce pour achever la barre, elle ne pesait plus que 43 livres 7 onces 7 gros ; ainsi son déchet total, tant par l’évaporation du feu que par la purification du fer à l’affinerie et