Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome II, partie 2.pdf/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si l’on vient à bout de fondre une pièce de verre de 4 pieds de diamètre sur 2 pouces 1/2 d’épaisseur et de la travailler par échelons sur un foyer de 8 pieds, j’ai supputé qu’en laissant même 1 pouce 1/2 d’épaisseur au centre de cette lentille et à la couronne intérieure des échelons, la chaleur de cette lentille sera à celle de la lentille du Palais-Royal comme 28 sont à 6, sans compter l’effet de la différence des épaisseurs, qui est très considérable et que je ne puis estimer d’avance.

Cette dernière espèce de miroir réfringent est tout ce qu’on peut faire de plus parfait en ce genre ; et quand même nous le réduirions à 3 pieds de diamètre sur 15 lignes d’épaisseur au centre et 6 pieds de foyer, ce qui en rendra l’exécution moins difficile, on aurait toujours un degré de chaleur quatre fois au moins plus grand que celui des plus fortes lentilles que l’on connaisse. J’ose dire que ce miroir à échelons serait l’un des plus utiles instruments de physique ; je l’ai imaginé il y a plus de vingt-cinq ans, et tous les savants auxquels j’en ai parlé désireraient qu’il fût exécuté. On en tirerait de grands avantages pour l’avancement des sciences ; et y adaptant un héliomètre, on pourrait faire à son foyer toutes les opérations de la chimie aussi commodément qu’on le fait au feu des fourneaux, etc.




SEPTIÈME MÉMOIRE

OBSERVATIONS SUR LES COULEURS ACCIDENTELLES ET SUR LES OMBRES COLORÉES.

Quoiqu’on se soit beaucoup occupé, dans ces derniers temps, de la physique des couleurs, il ne paraît pas qu’on ait fait de grands progrès depuis Newton ; ce n’est pas qu’il ait épuisé la matière, mais la plupart des physiciens ont plus travaillé à le combattre qu’à l’entendre, et, quoique ses principes soient clairs et ses expériences incontestables, il y a si peu de gens qui se soient donné la peine d’examiner à fond les rapports et l’ensemble de ses découvertes, que je ne crois pas devoir parler d’un nouveau genre de couleurs, sans avoir auparavant donné des idées nettes sur la production des couleurs en général.

Il y a plusieurs moyens de produire les couleurs : le premier est la réfraction. Un trait de lumière, qui passe à travers un prisme, se rompt et se divise de façon qu’il produit une image colorée, composée d’un nombre infini de couleurs ; et les recherches qu’on a faites sur cette image colorée du soleil ont appris que la lumière de cet astre est l’assemblage d’une infinité de rayons de lumière différemment colorés ; que ces rayons ont autant de différents degrés de réfrangibilité que de couleurs différentes, et que la même couleur a constamment le même degré de réfrangibilité. Tous les corps diaphanes dont les surfaces ne sont pas parallèles produisent des couleurs par la réfraction ; l’ordre de ces couleurs est invariable, et leur nombre, quoique infini, a été réduit à sept dénominations principales, violet, indigo, bleu, vert, jaune, orangé, rouge : chacune de ces dénominations répond à un intervalle déterminé dans l’image colorée qui contient toutes les nuances de la couleur dénommée, de sorte que dans l’intervalle rouge on trouve toutes les nuances de rouge, dans l’intervalle jaune toutes les nuances de jaune, etc., et dans les confins de ces intervalles les couleurs intermédiaires qui ne sont ni jaunes ni rouges, etc. C’est par de bonnes raisons que Newton a fixé à sept le nombre des dénominations des couleurs : l’image colorée du soleil, qu’il appelle le spectre solaire, n’offre à la première vue que cinq couleurs, violet, bleu, vert, jaune et rouge ; ce n’est encore qu’une décomposition impar-