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faire d’excellents verres de lunette achromatique, tant à cause de sa très grande transparence que de sa force réfringente, qui était très considérable, vu la quantité de plomb qui était entrée dans sa composition ; mais M. de Thury ayant confié ce beau morceau de verre à des ouvriers ignorants, ils l’ont gâté au feu où ils l’ont remis mal à propos ; je me suis repenti de ne l’avoir pas fait travailler moi-même, car il ne s’agissait que de le trancher en lames, et la matière en était encore plus transparente et plus nette que celle flint-glass d’Angleterre, et elle avait plus de force de réfraction.

Avec 600 livres de cette même composition, je voulais faire une lentille de 26 ou 27 pouces de diamètre et de 5 pieds de foyer. J’espérais pouvoir la fondre dans mon fourneau, dont à cet effet j’avais fait changer la disposition intérieure ; mais je reconnus bientôt que cela n’était possible que dans les plus grands fourneaux de verrerie : il me fallait une masse de 3 pouces d’épaisseur sur 27 ou 28 pouces de diamètre, ce qui fait environ 1 pied cube de verre ; je demandai la liberté de la faire couler à mes frais à la manufacture de Saint-Gobain, mais les administrateurs de cet établissement ne voulurent pas me le permettre, et la lentille n’a pas été faite. J’avais supputé que la chaleur de cette lentille de 27 pouces serait à celle de la lentille du Palais-Royal, comme 19 sont à 6 ; ce qui est un très grand effet, attendu la petitesse du diamètre de cette lentille, qui aurait eu 11 pouces de moins que celle du Palais-Royal.

Cette lentille, dont l’épaisseur au point du milieu ne laisse pas d’être considérable, est néanmoins ce qu’on peut faire de mieux pour brûler à 5 pieds : on pourrait même en augmenter le diamètre ; car je suis persuadé qu’on pourrait fondre et couler également des pièces plus larges et plus épaisses dans les fourneaux où l’on fond les grandes glaces, soit à Saint-Gobain, soit à Rouelle en Bourgogne : j’observe seulement ici qu’on perdrait plus par l’augmentation de l’épaisseur qu’on ne gagnerait par celle de la surface du miroir, et que c’est pour cela que, tout compensé, je m’étais borné à 26 ou 27 pouces.

Newton a fait voir que, quand les rayons de lumière tombaient sur le verre sous un angle de plus de 47 ou 48 degrés, ils sont réfléchis au lieu d’être réfractés : on ne peut donc pas donner à un miroir réfringent un diamètre plus grand que la corde d’un arc de 47 ou 48 degrés de la sphère sur laquelle il a été travaillé ; ainsi dans le cas présent, pour brûler à 5 pieds, la sphère ayant environ 32 pieds de circonférence, le miroir ne peut avoir qu’un peu plus de 4 pieds de diamètre ; mais, dans ce cas, il aurait le double d’épaisseur de ma lentille de 26 pouces, et d’ailleurs les rayons trop obliques ne se réunissent jamais bien.

Ces loupes de verre solide sont, de tous les miroirs que je viens de proposer, les plus commodes, les plus solides, les moins sujets à se gâter, et même les plus puissants lorsqu’ils sont bien transparents, bien travaillés, et que leur diamètre est bien proportionné à la distance de leur foyer. Si l’on veut donc se procurer une loupe de cette espèce, il faut combiner ces différents objets, et ne lui donner, comme je l’ai dit, que 27 pouces de diamètre pour brûler à 5 pieds, qui est une distance commode pour travailler de suite et fort à l’aise au foyer. Plus le verre sera transparent et pesant, plus seront grands les effets ; la lumière passera en plus grande quantité en raison de la transparence, et sera d’autant moins dispersée, d’autant moins réfléchie, et par conséquent d’autant mieux saisie par le verre, et d’autant plus réfractée qu’il sera plus massif, c’est-à-dire spécifiquement plus pesant : ce sera donc un avantage que de faire entrer dans la composition de ce verre une grande quantité de plomb ; et c’est par cette raison que j’en ai mis moitié, c’est-à-dire autant de minium que de sable. Mais, quelque transparent que soit le verre de ces lentilles, leur épaisseur dans le milieu est non seulement un très grand obstacle à la transmission de la lumière, mais encore un empêchement aux moyens qu’on pourrait trouver pour fondre des masses aussi épaisses et aussi grandes qu’il le faudrait : par