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chaque morceau laisserait passer un disque de 2 pouces de diamètre, auquel, ajoutant la lumière des parties du carré circonscrit à ce cercle de 2 pouces de diamètre, le foyer n’aurait à 10 pieds que 2 pouces 1/2 ou 2 pouces 3/4 si la monture de ces petites glaces était régulièrement exécutée. Or, en diminuant la perte que souffre la lumière en passant à travers l’eau et les doubles verres qui la contiennent, et qui serait ici à peu près de moitié, on aurait encore au foyer de ce miroir, tout composé de facettes planes, une chaleur cent cinquante fois plus grande que celle du soleil. Cette construction ne serait pas chère, et je n’y vois d’autre inconvénient que la fuite de l’eau qui pourrait percer par les joints des verges de fer qui soutiendraient les petits trapèzes de verre ; il faudrait prévenir cet inconvénient en pratiquant de petites rainures de chaque côté dans ces verges et enduire ces rainures de mastic ordinaire des vitriers, qui est impénétrable à l’eau.


IV. — Lentilles de verre solide.

J’ai vu deux de ces lentilles, celle du Palais-Royal, et celle du sieur Segard : toutes deux ont été tirées d’une masse de verre d’Allemagne, qui est beaucoup plus transparent que le verre de nos glaces de miroirs. Mais personne ne sait en France fondre le verre en larges masses épaisses, et la composition d’un verre transparent comme celui de Bohème, n’est connue que depuis peu d’années.

J’ai donc d’abord cherché les moyens de fondre le verre en masses épaisses, et j’ai fait en même temps différents essais pour avoir une matière bien transparente. M. de Romilly, qui dans ce temps était l’un des directeurs de la manufacture de Saint-Gobain, m’ayant aidé de ses conseils, nous fondîmes deux masses de verre d’environ 7 pouces de diamètre sur 5 à 6 pouces d’épaisseur dans des creusets à un fourneau où l’on cuisait de la faïence au faubourg Saint-Antoine. Après avoir fait user et polir les deux surfaces de ces morceaux de verre pour les rendre parallèles, je trouvai qu’il n’y en avait qu’un des deux qui fût parfaitement net. Je livrai le second morceau, qui était le moins parfait, à des ouvriers qui ne laissèrent pas que d’en tirer d’assez bons prismes de toute grosseur, et j’ai gardé pendant plusieurs années le premier morceau, qui avait 4 pouces 1/2 d’épaisseur et dont la transparence était telle qu’en posant ce verre de 4 pouces 1/2 d’épaisseur sur un livre, on pouvait lire à travers très aisément les caractères les plus petits et les écritures de l’encre la plus blanche. Je comparai le degré de transparence de cette matière avec celle des glaces de Saint-Gobain, prises et réduites à différentes épaisseurs : un morceau de la matière de ces glaces de 2 pouces 1/2 d’épaisseur sur environ 1 pied de longueur et de largeur, que M. de Romilly me procura, était vert comme du marbre vert, et l’on ne pouvait lire à travers ; il fallut le diminuer de plus de 1 pouce pour commencer à distinguer les caractères à travers son épaisseur, et enfin le réduire à 2 lignes 1/2 d’épaisseur pour que sa transparence fût égale à celle de mon morceau de 4 pouces 1/2 d’épaisseur ; car on voyait aussi clairement les caractères du livre à travers ces 4 pouces 1/2, qu’à travers la glace qui n’avait que 2 lignes 1/2. Voici la composition de ce verre[NdÉ 1] dont la transparence est si grande :

Sable blanc cristallin, une livre.
Minium ou chaux de plomb, une livre.
Potasse, une demi-livre.
Salpêtre, une demi-once.
Le tout mêlé et mis au feu suivant l’art.

J’ai donné à M. Cassini de Thury ce morceau de verre, dont on pouvait espérer de

  1. Ce verre est celui que l’on désigne sous le nom de cristal.