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molette de même sphère que la courbure de la glace. On continuera de travailler de même les deux surfaces concave et convexe, qu’il faut rendre parfaitement concentriques, en sorte que la glace ait partout exactement la même épaisseur. Et pour parvenir à cette précision, qui est absolument nécessaire, il faudra faire courber de plus petites glaces de 2 ou 3 pieds de diamètre, en observant de faire ces petits moules sur un rayon de 4 ou 5 lignes plus long que ceux du foyer de la grande glace : par ce moyen on aura des glaces courbes dont on se servira, au lieu de molettes, pour travailler les deux surfaces concave et convexe, ce qui avancera beaucoup le travail ; car ces petites glaces, en frottant contre la grande, l’useront et s’useront également ; et comme leur courbure est plus forte de 4 lignes, c’est-à-dire de moitié de l’épaisseur de la grande glace, le travail de ces petites glaces, tant au dedans qu’au dehors, rendra concentriques les deux surfaces de la grande glace aussi précisément qu’il est possible. C’est là le point le plus difficile, et j’ai souvent vu que pour l’obtenir on était obligé d’user la glace de plus de 1 ligne 1/2 sur chaque surface, ce qui la rendait trop mince, et dès lors inutile, du moins pour notre objet. Ma glace de 37 pouces, que le poids de l’eau, joint à la chaleur du soleil, a fait casser, avait néanmoins, toute travaillée, plus de 3 lignes 1/2 d’épaisseur, et c’est pour cela que je recommande de les tenir encore plus épaisses.

J’ai observé que ces glaces courbées sont plus cassantes que les glaces ordinaires : la seconde fusion ou demi-fusion que le verre éprouve pour se courber est peut-être la cause de cet effet, d’autant que, pour prendre la forme sphérique, il est nécessaire qu’il s’étende inégalement dans chacune de ses parties, et que leur adhérence entre elles change dans des proportions inégales, et même différentes, pour chaque point de la courbe, relativement au plan horizontal de la glace, qui s’abaisse successivement pour prendre la courbure sphérique.

En général, le verre a du ressort et peut plier sans se casser d’environ 1 pouce par pied, surtout quand il est mince ; je l’ai même éprouvé sur des glaces de 2 et 3 lignes d’épaisseur et de 5 pieds de hauteur. On peut les faire plier de plus de 4 pouces sans les rompre, surtout en ne les comprimant qu’en un sens ; mais si on les courbe en deux sens à la fois, comme pour produire une surface sphérique, elles cassent à moins de 1/2 pouce par pied sous cette double flexion : la glace inférieure de ces lentilles à l’eau obéissant donc à la pression causée par le poids de l’eau, elle cassera ou prendra une plus forte courbure, à moins qu’elle ne soit fort épaisse ou qu’elle ne soit soutenue par une croix de fer, ce qui fait ombre au foyer et rend désagréable l’aspect de ce miroir. D’ailleurs le foyer de ces lentilles à l’eau n’est jamais franc, ni bien terminé, ni réduit à sa plus petite étendue : les différentes réfractions que souffre la lumière en passant du verre dans l’eau, et de l’eau dans le verre, causent une aberration des rayons beaucoup plus grande qu’elle ne l’est par une réfraction simple dans les loupes de verre massif. Tous ces inconvénients m’ont fait tourner mes vues sur les moyens de perfectionner les lentilles de verre, et je crois avoir enfin trouvé tout ce qu’on peut faire de mieux en ce genre, comme je l’expliquerai dans les paragraphes suivants.

Avant de quitter les lentilles à l’eau, je crois devoir encore proposer un moyen de construction nouvelle qui serait sujette à moins d’inconvénients, et dont l’exécution serait assez facile. Au lieu de courber, travailler et polir de grandes glaces de 4 ou 5 pieds de diamètre, il ne faudrait que de petits morceaux carrés de 2 pouces, qui ne coûteraient presque rien, et les placer dans un châssis de fer traversé de verges minces de ce même métal, et ajustées comme les vitres en plomb ; ce châssis et ces verges de fer, auxquelles on donnerait la courbure sphérique, et quatre pieds de diamètre, contiendraient chacun trois cent quarante-six de ces petits morceaux de 2 pouces, et en laissant quarante-six pour l’équivalent de l’espace que prendraient les verges de fer, il y aurait toujours trois cent disques du soleil qui coïncideraient au même foyer que je suppose à 10 pieds :