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foyers plus ou moins grands. Nous avons vu que les grands foyers font toujours proportionnellement beaucoup plus d’effet que les petits, quoique l’intensité de chaleur soit égale dans les uns et les autres : on aurait ici, en contractant successivement les foyers, toujours une égale quantité de lumière ou de chaleur, mais dans des espaces successivement plus petits ; et, au moyen de cette quantité constante, on pourrait déterminer, par l’expérience, le minimum de l’espace du foyer, c’est-à-dire l’étendue nécessaire pour qu’avec la même quantité de lumière on eût le plus grand effet ; cela nous conduirait en même temps à une estimation plus précise de la déperdition de la chaleur dans les différentes substances, sous un même volume ou dans une égale étendue.

À cet usage près, il m’a paru que ces miroirs d’une seule pièce à foyer mobile étaient plus curieux qu’utiles : celui qui agit seul et se courbe à l’aspect du soleil est assez ingénieusement conçu pour avoir place dans un cabinet de physique.


II. — Miroirs d’une seule pièce pour brûler très vivement à des distances médiocres et à de petites distances.

J’ai cherché les moyens de courber régulièrement de grandes glaces ; et, après avoir fait construire deux fourneaux différents qui n’ont pas réussi, je suis parvenu à en faire un troisième[1], dans lequel j’ai courbé très régulièrement des glaces circulaires de 3, 4, et 4 pieds 1/2 de diamètre ; j’en ai même fait courber deux de 56 pouces, mais quelque précaution qu’on ait prise pour laisser refroidir lentement ces grandes glaces de 56 et 54 pouces de diamètre, et pour les manier doucement, elles se sont cassées en les appliquant sur les moules sphériques que j’avais fait construire pour leur donner la forme régulière et le poli nécessaire ; la même chose est arrivée à trois autres glaces de 48 et 50 pouces de diamètre, et je n’en ai conservé qu’une seule de 46 pouces et deux de 37 pouces. Les gens qui connaissent les arts n’en seront pas surpris ; ils savent que les grandes pièces de verre exigent des précautions infinies pour ne pas se fêler au sortir du fourneau, où on les laisse recuire et refroidir ; ils savent que plus elles sont minces et plus elles sont sujettes à se fendre non seulement par le premier coup de l’air, mais encore par ses impressions ultérieures. J’ai vu plusieurs de mes glaces courbées se fendre toutes seules au bout de trois, quatre et cinq mois, quoiqu’elles eussent résisté aux premières impressions de l’air et qu’on les eût placées sur des moules de plâtre bien séché, sur lesquels la surface concave de ces glaces portait également partout ; mais ce qui m’en a fait perdre un grand nombre, c’est le travail qu’il fallait faire pour leur donner une forme régulière. Ces glaces que j’ai achetées toutes polies à la manufacture du faubourg Saint-Antoine, quoique choisies parmi les plus épaisses, n’avaient que 5 lignes d’épaisseur : en les courbant, le feu leur faisait perdre en partie leur poli. Leur épaisseur, d’ailleurs, n’était pas bien égale partout ; et néanmoins il était nécessaire, pour l’objet auquel je les destinais, de rendre les deux surfaces concave et convexe parfaitement concentriques, et par conséquent de les travailler avec des molettes convexes dans des moules creux, et des molettes concaves sur des moules convexes. De vingt-quatre glaces que j’avais courbées, et dont j’en avais livré quinze à feu M. Passemant pour les faire travailler par ses ouvriers, je n’en ai conservé que trois : toutes les autres, dont les moindres avaient au moins 3 pieds de diamètre, se sont cassées, soit avant d’être travaillées, soit après. De ces trois glaces que j’ai sauvées, l’une a 46 pouces de diamètre, et les deux autres 37 pouces ; elles étaient bien travaillées, leurs surfaces bien concentriques, et par conséquent l’épaisseur bien égale ; il ne s’agissait plus que de les étamer sur leur surface convexe, et je fis pour cela plusieurs essais et un assez grand nombre d’expériences qui ne me réussirent point.

  1. Voyez les planches i, ii, iii, iv, v et vi.