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ce long tuyau et la galerie obscure que j’ai proposée, c’est que le champ, c’est-à-dire l’espace vu, serait bien plus petit, et précisément dans la raison du carré de l’ouverture du tuyau à celle de la galerie.



ARTICLE TROISIÈME

INVENTION D’AUTRES MIROIRS POUR BRÛLER À DE MOINDRES DISTANCES.


I. — Miroirs d’une seule pièce à foyer mobile.

J’ai remarqué que le verre fait ressort, et qu’il peut plier jusqu’à un certain point ; et comme, pour brûler à des distances un peu grandes, il ne faut qu’une légère courbure, et que toute courbure régulière y est à peu près également convenable, j’ai imaginé de prendre des glaces de miroir ordinaire d’un pied et demi, de deux pieds et trois pieds de diamètre, de les faire arrondir et de les soutenir sur un cercle de fer bien égal et bien tourné, après avoir fait dans le centre de la glace un trou de 2 ou 3 lignes de diamètre pour y passer une vis[1] dont les pas sont très fins, et qui entre dans un petit écrou posé de l’autre côté de la glace. En serrant cette vis, j’ai courbé assez les glaces de trois pieds pour brûler depuis 50 pieds jusqu’à 30, et les glaces de 18 pouces ont brûlé à 25 pieds ; mais ayant répété plusieurs fois ces expériences, j’ai cassé les glaces de 3 pieds et de 2 pieds, et il ne m’en reste qu’une de 18 pouces, que j’ai gardée pour modèle de ce miroir[2].

Ce qui fait casser ces glaces si aisément, c’est le trou qui est au milieu ; elles se courberaient beaucoup plus sans rompre s’il n’y avait point de solution de continuité, et qu’on pût les presser également sur toute la surface : cela m’a conduit à imaginer de les faire courber par le poids même de l’atmosphère ; et pour cela il ne faut que mettre une glace circulaire sur une espèce de tambour de fer ou de cuivre, et ajouter à ce tambour une pompe pour en tirer de l’air ; on fera de cette manière courber la glace plus ou moins, et par conséquent elle brûlera à de plus et moins grandes distances.

Il y aurait encore un autre moyen, ce serait d’ôter l’étamage dans le centre de la glace, de la largeur de 9 ou 10 lignes, façonner avec une molette cette partie du centre en portion de sphère, comme un verre convexe de 1 pouce de foyer, mettre dans le tambour une petite mèche soufrée ; il arriverait que, quand on présenterait ce miroir au soleil, les rayons, transmis à travers cette partie du centre de la glace et réunis au foyer de 1 pouce, allumeraient la mèche soufrée dans le tambour ; cette mèche en brûlant absorberait de l’air, et par conséquent le poids de l’atmosphère ferait plier la glace plus ou moins, selon que la mèche soufrée brûlerait plus ou moins de temps. Ce miroir serait fort singulier, parce qu’il se courberait de lui-même à l’aspect du soleil sans qu’il fût nécessaire d’y toucher ; mais l’usage n’en serait pas facile, et c’est pour cette raison que je ne l’ai pas fait exécuter, la seconde manière étant préférable à tous égards.

Ces miroirs d’une seule pièce à foyer mobile peuvent servir à mesurer plus exactement que par aucun autre moyen la différence des effets de la chaleur du soleil, reçue dans des

  1. Voyez les planches x, xi et xii
  2. Ces glaces de 3 pieds ont mis le feu à des matières légères jusqu’à 50 pieds de distance, et alors elles n’avaient plié que de 1 ligne 5/8 ; pour brûler à 40 pieds, il fallait les faire plier de 2 lignes ; pour brûler à 30 pieds, de 2 lignes 3/4, et c’est en voulant les faire brûler à 20 pieds qu’elles se sont cassées.